Après son premier roman, Bannie du royaume, Valérie Roch-Lefebvre revient explorer une fois de plus les thématiques entourant le sujet de la maladie mentale avec Tout ce que j’ai fait pour ne pas quitter ma chambre. Je ne vais pas vous le cacher, la lecture qui vous attend est certainement l’une des plus crues que vous expérimenterez cette année, mais le travail qu’accomplit l’autrice avec ce deuxième roman est extraordinaire. C’est donc légèrement sous le choc que j’écrirai les lignes suivantes, dans l’angoisse de trouver les mots justes pour rendre compte de la richesse littéraire et émotionnelle que nous offre cette œuvre bouleversante.
Par William Pépin, chef de pupitre aux arts
Ressentir la douleur
Si le roman est plutôt court, dépassant à peine la centaine de pages, j’ai dû m’arrêter à de nombreuses reprises pour respirer, pour prendre la pleine mesure de la réalité que nous partage Valérie Roch-Lefebvre. L’autrice y traite notamment de la question de la maladie mentale, en peignant avec minutie le portrait de cette femme ayant hérité, tout comme son père, du trouble bipolaire. D’autres sujets se mêlent à l’ensemble, comme le suicide ou encore les troubles alimentaires, que l’autrice manie avec une âpreté sans doute nécessaire pour que l’on saisisse avec justesse la douleur de la narratrice. Les mots s’incrustent en nous telle une lame qui nous déchire le ventre de sa pointe sournoise, mais souvent nécessaire pour que l’on puisse s’ouvrir à une réalité qui n’est pas forcément la nôtre. Valérie Roch-Lefebvre nous rappelle ainsi, sans doute sciemment, le rôle fondamental de la littérature : celui d’être avant tout un exercice d’empathie.
Dépeindre l’isolement
Tout ce que j’ai fait pour ne pas quitter ma chambre, c’est également l’art de son autrice de nous cloîtrer dans la souffrance en apparence sans issue de sa narratrice. Véritable huis clos mental, c’est tout sauf indemne que l’on termine notre lecture, tantôt prisonnier de la chambre d’une adolescente en quête d’une mise à mort à la Virgin Suicides, tantôt du travail de la narratrice toujours à la recherche d’une échappatoire qui l’effacerait à jamais du regard des autres. En résulte un sentiment claustrophobe, le constat que la mort s’échappe de ces pages pour nous agripper. Néanmoins, une lumière s’en échappe — aussi amère soit-elle —, une mince porte de sortie fictionnelle, où la sororité lui sert de bouée.
Valérie Roch-Lefebvre, La Mèche, Montréal, 2022, 123 pages.