Après avoir parlé de neuroplasticité de long en large dans le dernier numéro, Impact Campus s’est dirigé vers les recherches faites dans le domaine à l’Université Laval. Le Dr Cyril Schneider, professeur agrégé du département de réadaptation de la Faculté de médecine, et son équipe travaillent sur la compréhension du fonctionnement du cerveau et sur les mécanismes de plasticité qui lui permettent de s’adapter et d’améliorer les conditions de vie de personnes avec incapacités.
Catherine Gilbert
Impact Campus : Pourquoi avoir décidé de travailler sur la plasticité?
Cyril Schneider : La plasticité peut être utilisée comme un modèle de fonctionnement du cerveau. La capacité du cerveau à s’adapter pendant l’apprentissage d’un mouvement, ou après une lésion, un traumatisme est fascinante. Mes intérêts en neuroréadaptation font appel à la compréhension de cette plasticité et aux interventions qui l’induisent et améliorent le fonctionnement du cerveau. Prendre en compte les mécanismes de plasticité permet de mieux comprendre les résultats expérimentaux sur le fonctionnement cérébral, ce qui influence grandement le développement de nouvelles interventions en réadaptation.
IC : Lorsque la plasticité se fait de façon naturelle, il est possible que le cerveau subisse une «mal-adaptation». Qu’est-ce qui en est la cause?
CS : La lésion du cerveau peut déconnecter les neurones et les structures qui fonctionnaient ensemble. Cela déclenche des mécanismes d’adaptation du cerveau. Parmi ces changements, on connaît l’hypersensibilité de dénervation au niveau d’un neurone cible qui, normalement connecté, ne l’est plus suite à la lésion. Ce neurone déconnecté va augmenter sa synthèse de récepteurs synaptiques pour «attirer» les connexions à lui. L’hypersensibilité de dénervation est si puissante qu’elle va provoquer le bourgeonnement de fibres nerveuses voisines du neurone qui vont venir se connecter. Ce mécanisme peut mener à des connexions aberrantes et c’est ce qui cause des «mal-adaptations».
IC : Une des méthodes étudiées pour rendre les capacités perdues suite à une lésion ou un traumatisme est la neurostimulation. Est-ce qu’elle pourrait rendre toutes les capacités?
CS : On n’en est pas encore là. La neurostimulation ouvre une fenêtre thérapeutique pendant laquelle la thérapie adaptée aux problèmes moteurs, de la mémoire ou du langage serait plus efficace. La neurostimulation influence le fonctionnement du cerveau et de la moelle épinière. Elle permet de réactiver les circuits épargnés par la lésion. Pour que l’effet dure, il faut répéter les séances et combiner le tout avec la thérapie conventionnelle. La neurostimulation ne remplace donc pas le tissu mort après une lésion mais elle peut rendre le fonctionnement de ce qui reste plus efficace et cohérent avec la fonction visée. L’objectif de ces études est d’améliorer la fonction, donc la qualité de vie des personnes vivant avec une incapacité.
IC : Vous travaillez également en prématurité (naissance avant la 37e semaine de gestation). Quel impact a-t-elle sur la maturation du cerveau?
CS : La prématurité a un impact majeur sur la maturation du cerveau. En effet, entre la 12e et la 28e semaine de gestation, les neurones se développent. C’est à partir de la 28e semaine de la grossesse que le cerveau établit ses connexions dans chaque hémisphère et entre les deux hémisphères cérébraux. La naissance trop précoce va court-circuiter tous ces processus et notamment la croissance des fibres, l’établissement des connexions et la mise en fonction des réseaux neuronaux. Dans ce cas de figure, le cerveau du bébé n’est pas autant développé que celui des enfants nés à terme, et il est donc beaucoup plus vulnérable aux évènements extérieurs. C’est ce qui permet de dire que le cerveau des prématurités est plus enclin à développer des anomalies de fonctionnement menant à des incapacités fonctionnelles à long terme.