Breggitta de Leeuw, Pinterest

Quand kitsch rime avec révolution

kitsch

Adjectif invariable (Réf. ortho. Adjectif)

(Allemand kitsch, toc)

Déf. : Le kitsch se définit comme « un style et une esthétique caractérisés par l’usage hétéroclite d’éléments démodés ou populaires, considérés comme de mauvais goût par la culture établie et produits par l’économie industrielle » (Zagury, 2011). 

Par Raphaëlle Martineau, journaliste collaboratrice​

Est-ce qu’on t’a déjà dit que tu étais un peu kitsch ou quétaine et s’en est suivi une conversation pour comprendre ce que la personne voulait dire par là ? Si oui et que cette conversation a rendu les choses encore plus floues, laisse-moi te décortiquer tout ça. 

Pour commencer, je vais te faire un petit cours d’histoire. Kitsch est un mot qui, selon certain.es, serait apparu dans les années 1860 en Allemagne, plus précisément à Munich et qui était utilisé par les marchands d’art pour désigner des œuvres de mauvais goût (Rugg, 2002).  Puis le mot a gagné en popularité un peu partout dans le pays. Enfin, petit saut dans le temps des années 1960 où ce mot s’est répandu à l’international tant pour décrire l’art, qu’un mode de vie influencé par la production de masse et souvent utilisé par la classe moyenne et pauvre. Tu as bien compris, kitsch est donc un mot ayant été inventé pour critiquer les classes de société qui n’avait pas les moyens de se procurer des objets, vêtements, accessoires ou décorations de luxe. Un autre mot à ajouter à la liste d’expressions que la bourgeoisie utilise pour ridiculiser les plus pauvres. 

Cependant, moi je vois ce mouvement comme une façon de ridiculiser, voire de faire front à cette société de la haute culture en s’appropriant des façons de décorer ou s’habiller à moindre coût. Certes parfois les agencements peuvent laisser à désirer, mais les années 1960 sont la décennie de la révolution, de la révolte des classes et aussi de l’apparition du Pop art, l’une des formes les plus révolutionnaires en termes d’art et d’affront à la façon très hermétique de le créer et de le consommer. 

Attaquons-nous au mot quétaine maintenant. Son origine exacte reste encore à déterminer, mais plusieurs disent que ce mot serait un dérivé du nom de famille Keating (Robineau, 2021), une famille démunie de Saint-Hyacinthe, qui aurait un style vestimentaire assez douteux et qui quêtait en faisant du porte-à-porte (même schéma de société que pour le mot kitsch). Avec le temps et la difficulté pour les Québécois francophones de prononcer ce nom, Keating s’est transformé en quétaine. Tout comme le kitsch, il est associé au mauvais goût, au cheap qui essaye de se faire passer pour du luxe. Mais au Québec, le mot quétaine est aussi attribué à tout ce qu’on fait de parfois trop romantique, cliché ou nunuche. Combien de groupes de musique québécois se sont vus coller cette étiquette ? Les BB, La Chicane, Boum Desjardins, selon moi pas mal toute la discographie de Ginette Renaud (lancez-moi pas de pierres s’il-vous-plaît), Kaïn (j’avoue que c’est mon plaisir coupable) et encore plein d’autres. 

Le style kitsch et quétaine est actuellement en remontée fulgurante, à l’antipode du mouvement minimaliste qui s’est installé dans la décoration d’espace et de logis. Ce mouvement prend maintenant le nom de maximalisme. On décore des pièces avec beaucoup de bibelots, meubles et couleurs dépareillées pour venir quasiment surcharger les pièces. Cette tendance est pour prouver que le minimaliste (à comprendre ici que le mouvement attaque le minimalisme des classes aisées, soit une déco épurée, mais qui coûte deux reins et un bras) est de la bourgeoisie pure et dure. À l’inverse, la plupart des gens qui adhèrent au mouvement maximaliste trouvent leurs trésors dans des friperies, des ventes de brocantes, bref dans du seconde main. Comme quoi même la mode et le design peuvent être politiques. 

J’espère que la prochaine fois que quelqu’un.e te traitera de kitsch ou de quétaine, tu répondras fièrement que tu fais partie d’un long mouvement de lutte contre la haute société ! Soyons quétaine et fier.e ! 

Bibliographie

Zagury, N. (2011). L’art du mauvais goû​t ou le réenchantement du kitsch, Mémoire de maîtrise​, École supérieure des arts décoratifs​ de Strasbourg. https://static1.squarespace.com/static/5a00dfc3dc2b4ad4d78f0459/t/5a02d49c9140b7456e52fdd6/1510134949235/Thesis_NellyZagury++2.pdf

Rugg, W. (2002). Kitsch, The Chicago School of Media Theory. https://lucian.uchicago.edu/blogs/mediatheory/keywords/kitsch/

Robineau, S. (2021).  Quétaine, Passez le mot. Télé-Québec. https://video.telequebec.tv/player/39396/stream?assetType=episodes 


Auteur / autrice

Consulter le magazine