Création collective : les mots terribles sont bien écrits là, sur le programme. C’est donc à une plongée vers l’inconnu que nous convie la troupe Les Treize, pour cette quatrième production de la saison, présentée du 14 au 18 novembre au Théâtre de Poche. Mais quel inconnu ? La réponse, tout compte fait, surprend agréablement : Les Treize livre ici une pièce honnête, certes inégale, mais dans l’ensemble assez bien réussie.
Nathan Murray
Le tout commence, il est vrai, par une vaine, laborieuse — et un brin prétentieuse ?— déclamation sur le temps, où qualificatifs et mots inutiles s’enchaînent gravement, répétés en canon par toute la troupe. Aïe. Mais ensuite, l’histoire se déroule avec efficacité, sinon avec élégance, et l’on découvre un univers à la fois charmant et touchant : celui d’un joyeux groupe d’amies. Toutes un peu folles, il faut bien l’avouer, mais terriblement attachantes. On suit les six compères — Sophie, biologiste rêveuse; Daphnée, militante globe-trotter; Murielle, architecte exaltée; Julie, photographe française aussi franche que drôle, qu’accompagne sa demi-soeur Annabelle, handicapée naïve et émerveillée; et finalement Lucille, jolie fille un brin complexée — depuis leur plus tendre enfance, et on traverse avec elles délires enfantins, rêves de jeunesse et épreuves d’adultes. Pour les accompagner, un seul homme : Paul, le frère de Lucille, destiné à tomber amoureux de Sophie, avec qui il aura une fille, Alice. Alice qui revient régulièrement sur scène pour nous lire des lettres, tantôt amères, tantôt tendres, destinées à Sophie, sa mère disparue.
C’est vers cette «disparition» que s’achemine le récit, entre deux lectures épistolaires : lentement, alors que des scènes de la vie des protagonistes se succèdent les unes après les autres, comme autant de pièces de casse-tête, on comprend le pourquoi de cette correspondance imaginaire. Le ton est parfois naïf, presque enfantin, d’autres fois grave ou faussement philosophique : il y a quelques ruptures, et on préférera l’univers de la «poudre de perlimpinpin» à celui des larmes. Pour le reste, si le décor a quelque chose de poétique, la mise en scène ne convainc guère. Heureusement, les actrices se révèlent convaincantes — l’acteur, lui, l’est moins —, et l’on passe en leur compagnie un agréable moment.