Crédit photo : La Bordée

Quand la réalité dépasse la fiction

Actuellement au théâtre de la Bordée, la pièce L’Inframonde écrite par Jennifer Haley, nous plonge dans une dystopie pas si éloignée de notre réalité. Disons plutôt qu’elle nous offre un bref aperçu des dérives possibles de notre technologie.

Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

Synopsis : “Dans un futur pas si lointain, Internet est désormais essentiellement accessible par le moyen d’un univers virtuel immersif nommé l’Inframonde. Cette plateforme sophistiquée permet d’incarner un avatar et de ressentir, sans distinction par rapport à la réalité, les émotions et les sensations physiques qui le traversent. L’immersion est totale. Jusqu’au moment où une détective, Harrisson, décide d’enquêter sur un espace virtuel singulier nommé Le Refuge. Ce repaire numérique offre la possibilité aux utilisateurs et aux utilisatrices d’assouvir certains fantasmes sévèrement condamnés dans le monde réel.

Jusqu’au 8 février prochain, La Bordée vous propose un voyage pas comme les autres, un voyage dans un futur possible et effrayant où hommes et femmes passent désormais la plupart de leur temps dans l’Inframonde, un espace numérique où ils incarnent des avatars. Le décor en impose par sa simplicité: la réalité — avec les deux salles d’interrogatoire d’un gris déprimant— entoure la fiction et son jardin éphémère à l’aspect enchanteur. L’ajout d’une vidéo au fond de la scène procure un sentiment de profondeur et joue encore plus sur la dimension numérique et donc «factice» du monde représenté. Bon point donc pour la mise en scène de Maxime Perron qui mélange savamment décor classique et outils technologiques.

©️La Bordée

Pour ce qui est de la thématique choisie, la pièce pose de bonnes questions: faut-il blâmer le créateur d’une œuvre pour les incidences que sa création peut avoir dans la vraie vie ? Doit-on légiférer sur l’imagination au risque de la brider ? Un univers virtuel immersif est-il de l’ordre de la fiction ou de la réalité ? Le scénario aurait toutefois pu universaliser son propos et faciliter l’identification aux personnages (et donc faire dans la catharsis) s’il avait parlé de sujets moins sensibles que ceux de la pédophilie et de la violence infantile. Prenons l’exemple des armes à feu: tout un chacun a probablement déjà joué à un jeu vidéo où il fait usage d’une arme pour tuer. Est-ce que ce type de jeux a une influence sur nos comportements dans la vraie vie? Est-ce qu’il nous pousse à la violence ? Ce sont des questions vraiment pertinentes, mais nous avons moins envie de nous les poser à travers le prisme de la pédophilie. De fait, avec un tel sujet sensible, nous nous désolidarisons complètement de la thématique abordée et des personnages. Malgré tout, l’idée de brouiller les identités permet d’aborder certaines problématiques du numérique qui sont déjà actuelles et nous poussent à la réflexion.

©️La Bordée

Finalement, on ne peut s’empêcher de souligner les talents des acteur.rices et surtout celui d’Octavie Carrée qui ne joue pas un rôle facile, mais l’endosse à merveille et de manière très cinématographique. L’inframonde, qui a reçu les prix du meilleur spectacle et de la meilleure conception par l’association québécoise des critiques de théâtre (AQCT), a de quoi vous divertir pendant un peu moins de 2h. Cette création initialement présentée à Premier Acte est à ne pas manquer, dépêchez-vous donc d’assister à ses dernières représentations!

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