Photo : David Mendoza Hélaine

Une nuit pour se survivre : One Night Only au théâtre Premier Acte

Le théâtre Premier Acte accueille jusqu’au 8 novembre une pièce coup-de-poing, audiacieuse dans son désir de traiter de sujets sensibles  : le suicide, les pensées intrusives, l’humour pour combler le vide et la lutte pour rester en vie quand tout pousse à lâcher-prise.

Par Marie-Rose Dupuis, journaliste collaboratrice 

Un compte à rebours existentiel

Marianne reçoit un appel de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Son père possédait une arme à feu sans permis. Le fusil est toujours dans la maison. La police vient la chercher à 9h le lendemain matin.

Le décompte commence.

Le personnage est seul sur scène. Elle respire. Elle tente de fuir ses pensées. Mais elles sont là. Et cette arme aussi, comme la dangereuse tentation que celle-ci offre

Va-t-elle survivre à elle-même jusqu’au matin? Ou va-t-elle s’en servir avant?

One Night Only, c’est un solo théâtral mordant. Un humour noir qui va où ça fait mal. La production du collectif COMPLOT explore l’acte du suicide, la question du bonheur, et ce mal-être du quotidien qu’on préfère éviter de nommer. 

C’est cru. C’est drôle. C’est inconfortable.

Photo : David Mendoza Hélaine

Une mise en scène puissante

La mise en scène de Pierre-Olivier Roussel joue avec le suspense, le pousse jusqu’à la dernière minute. Le décompte devient un moteur dramatique. Chaque minute compte.

Le spectacle brouille les frontières entre fiction et réalité. Le quatrième mur est brisé. Myriam parle au public, le prend à témoin. Plusieurs voix s’adressent à elle, représentant son dialogue intérieur chaotique. Ces voix parlent parfois en même temps, parfois en boucle. Ce montage sonore chaotique illustre parfaitement le brouillage anxieux, l’envahissement des pensées, l’overthinking. Les lumières, la musique, les vidéos sur son téléphone créent une ambiance instable, changeante, comme l’ état intérieur de la jeune femme. On ne sait jamais ce qui va suivre : une performance loufoque, une blague grinçante, un silence lourd, une confession à cœur ouvert. Cette imprévisibilité  constante rend l’expérience accrochante.

 Une performance qui tient tout le spectacle

Seule sur scène, Myriam Amrouche porte la pièce avec une intensité remarquable. Elle passe d’un état à l’autre sans prévenir: elle sourit, elle pleure, elle crie, elle danse, elle fait même du yoga. Elle se parle à elle-même. Elle s’interroge. Elle s’accroche.

Va-t-elle se survivre?

Elle n’a pas peur du ridicule dans sa performance, elle agit par moment comme une personne seule dans sa chambre, au milieu de la nuit, convaincue de ne pas être vue, tentant de se distraire par tous les moyens imaginables pour ne pas sombrer. Elle joue avec les codes, les brise, interpelle le public. Elle nous parle comme elle se parle à elle-même. Et puis, il y a le piano. Elle en joue pour accompagner ses moments de mélancolie. Sa performance est physique, vocale, émotionnelle, musicale. Elle incarne le chaos intérieur avec une justesse troublante. On ne sait jamais ce qu’elle va faire ensuite, c’est ce qui rend le spectacle si vivant, si vrai.

 À voir, absolument

Sans tout révéler, One Night Only est une pièce unique quant à  son traitement d’un enjeu crucial de santé mentale. Le suspense est maîtrisé. La comédienne est brillante. La pièce mérite d’être vue.

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