Du 3 au 14 décembre se déroule à Dubaï la Conférence mondiale des télécommunications internationales, mieux connue sous son acronyme anglais WCIT. Les 193 États membres de l’Union Internationale des Télécoms ( organe de l’ONU ) devront décider de la mise en place d’une nouvelle « constitution » visant à réguler Internet.
Boris Proulx
La conférence en cours vise à améliorer la coopération des États sur diverses problématiques, l’adressage du routage IP à la lutte contre le cybercrime en passant par la gouvernance globale d’Internet. Le dernier traité en la matière date de 1988, c’est-à-dire avant qu’Internet ne soit un moyen de communication grand public. Si la conférence s’évertue à aborder la question de l’accès universel à Internet, dont 4,6 milliards d’êtres humains sont toujours privés, l’ébauche d’une « constitution » pour Internet soulève de nombreuses craintes, notamment au regard de la protection de la liberté d’expression sur le Web.
Les grands noms du Web que sont Facebook, Mozilla ou Google se sont fortement opposés à ce projet de « constitution internationale » du Web. Le chercheur Vinton Cerf, « père fondateur » d’Internet pour avoir co-inventé le protocole TCP-IP et aujourd’hui à l’emploi de Google comme « Chef évangéliste d’Internet », a multiplié les appels à ce qu’un tel projet ne soit pas adopté. « Les décisions prises à Dubaï pourraient mettre les menottes à Internet », a-t-il déclaré au New York Times la semaine dernière. Les principales craintes ? Que le Web soit utilisé par les États aux dépens de la liberté d’expression. « [ Le projet de constitution ] est une apparatchik digne de l’époque soviétique », s’est désolé M. Cerf. En effet, l’article 8 proposé notamment par la Russie, la Chine et l’Arabie saoudite, ouvre la porte à la restriction de l’accès à Internet lorsque « la souveraineté nationale, la sécurité nationale, l’intégrité territoriale pouvaient être remises en cause ». Une formule dont on craint que l’interprétation trop large ne conduise à la censure.
La critique de la conférence de Dubaï a également trouvé écho dans la société civile alors que la pétition anti- WCIT associée au mot-clic #freeandopenweb ( Web libre et ouvert ) a déjà recueilli plus de trois millions de signatures au moment d’écrire ces lignes. Selon les analystes, l’intérêt des États-Unis, à l’instar de celui de ses grandes entreprises emblématiques du Web, Google en tête, n’est pas d’adhérer à un contrôle accru de l’Union Internationale des Télécoms sur le Web. Dans un rare vote bipartisan, le congrès américain a voté la semaine dernière à l’unanimité une motion visant à garder Internet « libre de tout contrôle étatique ».