C’est le militant du printemps 2012, l’ami de Dominique Laliberté, touchée par une balle de plastique des policiers, et l’étudiant qui parle ici, non le journaliste. Mise en contexte : le 4 mai 2012, une manifestation est organisée par des associations étudiantes, des syndicats et autres organismes sociaux pour manifester au congrès du Parti Libéral qui est organisé à Victoriaville. Un an après, les questions refont surface avec l’émission Enquête, qui sera diffusée ce jeudi 28 mars à 21h00 à Radio-Canada où Alain Gravel consacrera une heure sur les événements de Victoriaville. Émission qui sera rediffusée le samedi à 13h et le dimanche à 18h, et qui sera en ligne sur tout.tv .
Pierre Léveillé
L’ambiance était bonne et festive au début, comme décrite par Jean-François Nadeau pour la manifestation du 22 mars 2012 il y a un an, dans sa chronique « Emporté par la foule » : « Le centre-ville de Montréal s’est gonflé d’énergies joyeuses et communicatives dont personne ne semblait désespérer. » Pareil pour le stationnement du Wal-Mart à Victoriaville où les autobus nous déposaient au milieu de l’après-midi. Dominique et moi n’avions pas de cours ni de chiffre de travail ce jour-là, bonne raison pour se sentir utile en se joignant à d’autres manifestants à Victoriaville. Après des semaines de grève aussi, Dominique, athlète de rugby au Rouge et Or, étudiante en littérature à l’époque et en Sciences de la consommation aujourd’hui, s’est dit comme moi : « Pourquoi pas ? ».
Nous sommes vite arrivés devant le Centre des congrès. Quelque temps après, les yeux et la bouche nous ont vite piqués et démangés, en raison des gaz envoyés par les policiers, dans un périmètre délimité par des clôtures pour le Festival d’été de Québec, du genre très simples à déplacer. Ensuite, nous avons repris nos esprits et nous sommes éloignés par des terrains privés, au-dessous d’un hélicoptère qui surveillait la foule perdue, dans un espèce de terrain vague. Mon amie s’est effondrée, avec la bouche en sang et des dents dans le gazon, la balle qui reposait pas loin. Panique. Dents. Rassurer. Marcher. Appeler 911. Appeler parents. Marcher. Le lendemain dans les médias : conférences de presse, commentaires, incompréhension.
C’est littéralement une émeute qu’il y a eu à Victoriaville. Oui, les manifestants sont à blâmer peut-être, mais la police, dont le mandat est de veiller à la sécurité du Premier ministre ET des manifestants n’a pas été rempli cette journée-là. L’air était vicié par les gaz et par la panique.
Balles de plastique
Lorsque j’ai lu dans les journaux que la police avait lancé 33 balles de plastique, j’étais choqué, mais pas surpris. L’angle d’impact a été horizontal, j’ai vu la balle par terre et dans les mains d’un monsieur de la CSN. 33 balles de plastique à létalité réduite – blessures mortelles réduites en quelque sorte – ont été lancées dans la confusion d’une émeute, avec les gaz partout. Dans une autre ville comme Londres, ça a pris 3 jours d’émeutes pour qu’on utilise ces armes qui n’ont pas lieu d’être.
Suite à cela, apprendre que ma belle amie et sa famille devait débourser autour d’une dizaine de milliers de dollars en chirurgie dentaire pour une activité pour laquelle je l’ai peut-être entraînée m’a vraiment touché. Aussi, après cet incident, les médias demandaient des entrevues à la famille immédiatement, et moi je me demandais à qui on pouvait demander de l’aide. Les politiciens, pour qu’ils fassent du capital politique ? Les avocats, pour qu’ils chargent des centaines de dollars par heure pour un cas qu’on n’est pas sûrs
de gagner ?
Je me suis écarté du processus à ce moment, mais je suis fier d’où Dominique et sa famille sont rendus aujourd’hui. Mon amie, les autres blessés de Victoriaville et moi ne sommes pas fous, les opérations policières ont été bâclées, et les ordres vraiment mal analysés pour envoyer 33 balles dans une foule et un
environnement confus.
Si poursuite il y a, elle vaut la peine d’être gagnée pour que tous les citoyens ne se sentent pas menacés par des blessures commises par des policiers ou bien par des citoyens voulant manifester lorsqu’ils sont contre un projet gouvernemental.