Paris – Malgré les critiques, le président français a réitéré son devoir d’agir dans ce secteur économique, qui regroupe en France plus de 100 000 salariés. «Bien sûr que l’État est légitime, surtout si la profession n’est pas parvenue à le faire, à mettre le problème de la situation économique de la presse sur la table», a-t-il signifié au début de son discours prononcé à l’Élysée.
Lancés dans la controverse en octobre, les États généraux de la presse écrite ont réuni 150 acteurs liés aux médias écrits français. Sous la forme d’un Livre vert, les participants ont adressé 93 recommandations à la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel. Ce sont plusieurs de ces propositions que l’on retrouve dans le plan d’aide à la presse.
Même si les journalistes ont dans l’ensemble bien accueilli les mesures, tout n’est pas réglé. «Ça ressemble plutôt à un plan d’urgence pour la presse nationale qu’à une véritable réflexion prospective», s’inquiète Olivier Picard, éditorialiste aux Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), l’un des plus importants quotidiens régionaux français.
Pour la presse quotidienne régionale, plusieurs des mesures annoncées, comme l’aide au portage (ou livraison à domicile), sont peu utiles. «Pour DNA, le principal problème, ce sont les coûts d’impression, ajoute-t-il. Sur ce plan, les conclusions sont floues, on remet sur le devant de la scène la mutualisation des imprimeries alors que c’est un sujet très sensible en France.»
Le Livre vert suggère une réduction de 30 % à 40 % des frais d’impression des journaux. L’État interviendra, si nécessaire, comme médiateur entre les patrons de presse et le syndicat du Livre lors d’une prochaine négociation. Ce syndicat très puissant regroupe tous les employés de l’impression et de la distribution de la presse française.
Des millions en publicité et en distribution
Malgré son appui à l’application d’un code déontologique, Sarkozy laisse à la profession le soin de régler les dossiers liés à la crise de confiance entre les journaux et le public. Le gouvernement s’est plutôt attardé aux questions strictement économiques et, conséquemment, à celles liées aux nouvelles technologies. Parmi les mesures mises en place, l’État s’est engagé à doubler ses dépenses de communication dans les médias écrits de 20 % à 40 %, ce qui représente un investissement de 20 M d’euros.
Le gouvernement investira également 62 M en aide directe au portage, peu développé en France, comparativement au Québec. Seulement 30 % de la presse est livrée et il s’agit majoritairement de la presse quotidienne régionale. Les journaux nationaux sont principalement achetés directement aux kiosquiers. Les points de vente des journaux seront également multipliés.
«Dans une démocratie ordinaire, ces mesures n’auraient pas pu être prises, estime Patrick Eveno, historien de la presse et maître de conférence à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne. La presse ne se porterait pas si mal et les médias n’auraient pas accepté l’aide de l’État.» C’est que la presse écrite bénéficie d’un statut particulier en France, qui empêche son développement selon le professeur. «Ici, la presse est sacrée, avance-t-il. Il manque de points de vente, les journaux sont chers et ils n’ont pas l’esprit commercial assez développé. Historiquement, la presse doit être au service de la communauté.»
La presse électronique
Pour Pascal Riché, rédacteur en chef du site d’information en ligne Rue 89, «les mesures économiques annoncées assureront la survie à court terme de certains titres, mais au final, les journaux qui vont se sortir de la crise sont ceux qui auront compris que l’information a changé.» Rue 89 a longtemps hésité à participer à ces États généraux. Finalement, ses représentants y sont allés pour défendre le statut d’éditeur en ligne. Un pari qui a rapporté, puisque les médias d’information numériques pourront dorénavant bénéficier d’un statut juridique égal à celui de la presse traditionnelle.
«C’est une bonne surprise, soutient Pascal Riché. Ça aidera les rédactions web, jusqu’ici victime de distorsion, en nous permettant d’obtenir les subventions du Fonds d’aide à la modernisation de la presse». Ce statut ne sera octroyé qu’aux seules rédactions web qui produisent de l’information et qui emploient des journalistes qualifiés. Pour ce qui est des droits d’auteur des journalistes, ils seront désormais cédés à la publication pour tous les supports, mais sur une période de temps limitée.