C’est reparti. Chaque année, les vacances de la construction rallument chez plusieurs québécois la flamme d’une frustration temporaire: celui du prix de l’essence. Dépendants de l’or noir pour leur voyage, les citoyens tonnent à l’idée de mettre la main dans leur poche pour nourrir leur véhicule énergivore.
«C’est du vol!», criera un homme dans un vox-pop soigneusement préparé par nos médias traditionnels. Généralement, la mise-en-scène exige qu’il dise ces trois mots à une station-service, accoté sur son gros 4×4 trop cylindré, le pistolet de la pompe à essence actionnée en main.
Une autre personne se voudra plus moralisatrice, voire plus sage: «on a pas ben l’choix, hein, si on veut aller voir les gens qu’on aime à l’autre bout de la province. C’est la vie!», dira-t-elle avec un sourire forcé en voyant une grosse partie de son budget partir en fumée pour se déplacer.
Et pourtant, ce n’est rien de nouveau. Les entreprises pétrolières, croyez-le ou non, forment un oligopole n’ayant pas pour but le profit mais bien le maximum de profit. De ce fait, peut-on vraiment qualifier de «vol» une hausse du prix du litre d’essence? À ce titre, on pourrait aussi qualifier de «vol» les hôtels qui haussent leurs prix durant la saison forte. Ben oui, ce sont les lois du marché, l’offre et la demande. Plus la demande est forte, plus le prix est haut.
Ce qui sidère, cependant, c’est d’entendre «qu’on a pas le choix». Mais si, on a le choix. Je vous donne un exemple: lorsque vous allez placer votre argent dans une institution bancaire et qu’on vous offre d’investir dans les compagnies pétrolières car elles ont un meilleur rendement, il est de votre choix de dire «non» et d’investir dans les énergies renouvelables, dans les voitures électriques ou dans le transport collectif.
Si une grande proportion de citoyens se donnaient le mot pour investir dans ces secteurs, ne vous en faites pas, les entreprises et les investisseurs suivraient en un temps record. Car après tout, ce sont les consommateurs (donc les citoyens) qui dictent indirectement les lois du marché. L’offre et la demande, encore une fois.
Qui plus est, nous sommes de cette génération qui n’a plus l’excuse d’auparavant. Les voitures hybrides et électriques apparaissent sur le marché à une vitesse folle et sont de plus en plus fiables et autonomes.
Bien sûr, il faut aussi que les gouvernements que nous élisons suivent ce que les citoyens dictent, ce qui n’est pas partie gagnée. En effet, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas renouveler l’incitatif à l’achat de véhicules éco-énergétiques. Les méchantes langues diront qu’avec les taxes récoltées avec l’achat de pétrole, ils n’ont rien à gagner à le faire. Et dans un pays où les ressources pétrolières semblent être la priorité de ce même gouvernement, ils n’ont probablement pas tout à fait tort.
Il y a aussi un double-discours tenu au provincial. On peut souligner l’initiative du gouvernement péquiste d’avoir nommé le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. Daniel Breton, responsable du dossier sur l’électrification du transport. Très bien, mais quand on dit du même souffle que nous sommes résolus à exploiter le pétrole de schiste d’Anticosti, on ne peut plus vraiment pointer du doigt le gouvernement conservateur pour son inaction en la matière.
Oh!, je sais: l’idée est de bien exploiter le pétrole d’Anticosti, à l’image des norvégiens qui se sont bâti un fonds des générations astronomique avec le pétrole pour mieux investir dans les énergies renouvelables. Sauf que la Norvège a nationalisé son pétrole, elle, et que son exploitation ne profite pas à l’oligopole pétrolier mais bien aux citoyens. Importante nuance.
Le prix du litre d’essence monte, donc. Comme à chaque année. Et comme c’est récurrent et que les entreprises continueront d’agir ainsi aussi longtemps que la demande sera la même, il y a de sérieuses questions à se poser, en tant que société. Voulons-nous être parmi les précurseurs mondiaux de notre indépendance face au pétrole ou voulons-nous suivre la parade?
Car non, le problème n’est pas le prix du litre d’essence. Le problème, c’est notre dépendance par rapport à ce litre de pétrole. Et si on s’y mettait pour vrai? M. Breton, nous ne voulons pas vous mettre trop de pression mais…on regarde dans votre direction.