La balle dans le camp des universités

Souvent négligé, le volet social du développement durable est d’une certaine façon son enfant pauvre. La course au bas prix peut, en partie, expliquer le manque d’intérêt porté à la provenance et aux conditions de fabrication des produits que nous consommons. C’est pour cette raison que trois ONG (organisations non gouvernementales) de la province, soutenues par les centrales syndicales, ont pris les devants pour montrer la marche à suivre aux universités et aux cégeps, les enjoignant d’assainir et de responsabiliser leurs achats.

«Ce que l’on demande dans une politique de développement durable, c’est d’avoir des approvisionnements responsables, qui permettent de réduire la prolifération des ateliers de misère», fait valoir Jean-François Michaud, coordonnateur à la Coalition québécoise contre les ateliers de misère (CQUAM). Entre autres, le guide enjoint les établissements d’enseignement supérieur à se doter d’une politique d’achat responsable (PAR), et de s’assurer que les normes fondamentales du travail établies par l’Organisation internationale du travail se reflètent à travers des produits achetés par les universités.

Cet hiver, l’Université de Sherbrooke s’est engagée à mettre sur pied une PAR et à inclure les normes contenues dans le guide. L’université de Toronto se veut une pionnière dans le genre au Canada, ayant adopté, dès l’an 2000, une politique d’achat responsable en ce qui concerne le matériel promotionnel, catégorie de produits souvent visée en tout premier lieu par les défenseurs des droits des travailleurs. Tout article portant le logo de l’université ontarienne est régi par un code de conduite responsable. L’institution s’est d’ailleurs associée avec les organismes de vérification internationaux Workers Rights Consortium (WLA) et Fair Labour Association (FLA), afin de s’assurer de la provenance et des conditions de production de ses produits promotionnels.

Le conseil d’administration de l’Université Laval a adopté au mois de décembre dernier sa politique institutionnelle de développement durable, sans que celle-ci ne soit accompagnée de gestes concrets en matière d’achats responsables. Cependant, l’administration a mis sur pied l’année dernière une table de concertation concernant tous les enjeux du développement durable. Chaque année, l’Université achète pour plus de 170M$ en biens et services de toutes sortes. Pour l’ensemble des universités québécoises, ce montant avoisine 770M$, selon les dernières données disponibles sur le site de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

Une législation provinciale
La loi 117 sur les contrats et des organismes publics encadre déjà les achats fait par les institutions d’enseignement. À l’article 4, on peut notamment lire que les organismes publics doivent promouvoir plusieurs objectifs, dont «la mise en place de procédures efficaces et efficientes, comportant notamment une évaluation préalable des besoins adéquate et rigoureuse qui prend compte des orientations gouvernementales en matière de développement durable».

«Losque l’on parle d’ateliers de misère, ce n’est pas juste au Sud. On a, au Québec, des milieux de travail où les conditions sont en- dessous des normes fondamentales du travail. Cette dimension sociale d’un programme d’achat responsable est importante partout sur la planète», souligne Denise Gagnon, directrice du service de la solidarité internationale à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Cette dernière met en relief le pouvoir important des institutions et des individus pour arriver à des résultats. «Les institutions d’enseignement sont des incubateurs d’idées. Si on est capables d’y créer des synergies, ces idées auront des conséquences», ajoute-t-elle.

«Dans quel type de société respectueuse des populations et de l’environnement voulons-nous vivre?», se questionne, quant à lui, Ronald Cameron, président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec. Selon lui, une politique d’achat responsable «favorise des choix sociaux plus respectueux et plus démocratiques». «Il n’y a pas de recettes pour y arriver. Je crois que, dans un établissement, il faut essayer de pousser au maximum ce qui est possible de faire. D’abord un énoncé de principes, ensuite des mesures», continue-t-il, tout en ajoutant que les étudiants sont le groupe sociologique le plus conscientisé et le plus disponible pour influencer l’adoption de telles politiques.

Un colloque sur la question aura lieu à l’UQÀM les 23 et 24 avril prochains, alors que des conférences seront tenues à l’Université Laval le 28 avril.

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