Personne n’est passé à côté de l’information : Sarkozy a encore montré toute sa finesse et sa capacité d’ingérence dans les affaires d’autrui avec ses déclarations de la semaine dernière sur le mouvement souverainiste québécois. Ni une, ni deux, le Bloc et le PQ ont réagi aux accusations de sectarisme, de division et d’enfermement sur soi, par une lettre de quatre pages dans laquelle Gilles Duceppe accuse Sarkozy de «son ignorance crasse de la situation québécoise». Louise Beaudoin, député péquiste de Rosemont a déclaré que le président français a prouvé sa méconnaissance profonde du Québec et «ce que les Français eux-mêmes pensent de la question, c’est autre chose.»
Et justement, là est l’interrogation. Est-ce que les Français réfléchissent réellement à la question? Pensez-vous, sérieusement, que la population de l’Hexagone se demande si le Québec pourrait devenir une meilleure société en se séparant du Canada? Le fait est que les Français n’ont aucune idée de la réalité québécoise. La soi-disant méconnaissance de Sarkozy sur le Québec est une méconnaissance généralisée à tous les Français. Souvent, les Québécois s’insurgent lorsque des Français leur disent : «Ah, t’es Canadien!». Canadien, Québécois, quelle différence! La subtilité de la culture québécoise et la complexité des relations entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral sont des facteurs sociétaux qui paraissent complètement abstraits pour les Français. La preuve en est donnée par le quotidien Le Figaro dans son article intitulé «Sarkozy choque les indépendantistes québécois». Voici la première phrase : «En plaidant en faveur de l’unité du Canada, le président a déclenché une polémique à Montréal.» À Montréal! Encore une fois, le Québec se limite à sa métropole. Comme si la controverse n’avait touché que la métropole. Paris Match avait exactement fait la même erreur en début d’été dernier avec son numéro spécial «400 ans du Québec» dans lequel l’hebdomadaire ne parlait que de… Montréal.
Comment expliquer ce manque de connaissances du Québec? Étant moi-même Français, je peux apporter un début d’hypothèse : la non-diffusion de la culture québécoise dans l’Hexagone. En effet, au contraire de la culture française largement importée de ce côté-ci de l’Atlantique, et ceci depuis des décennies, celle du Québec n’est réellement apparue, pour le cinéma, qu’avec Les Invasions barbares et, pour la musique, avec Céline Dion ou Garou. Un peu limité, sachant le vivier d’artistes dont regorge la Belle Province. Est-il possible de s’intéresser à la destinée d’un peuple lorsque nous n’en entendons parler que de façon sporadique?
Mais Sarkozy, lui, a-t-il vraiment une carence dans son savoir de la société québécoise? Ce serait mal connaître cet hyperactif politique dont l’ingérence est le maître mot. Sa sortie n’était-elle, finalement, pas calculée? Sarkozy avait conscience que ses mots allaient directement frapper les souverainistes à l’estomac et créer une polémique. Il en était encore plus conscient après les remous que ses déclarations ont engendrés à la suite de son allocution lors du Sommet de la francophonie au mois d’octobre. Au contraire de Ségolène Royal, qui déclarait début 2007 que l’indépendance du Québec «reflétait des valeurs communes, c’est-à-dire la liberté et la souveraineté du Québec», Sarkozy est très au fait de la politique québécoise.
Concrètement, la position de la France à l’endroit du Québec ne s’est cristallisée qu’au moment d’un seul discours d’un chef d’État français, le Général De Gaulle en 1967, avec son fameux «Vive le Québec libre». C’est bien trop mince pour y voir là une politique complète et réelle dite de ni ingérence et de ni indifférence.