Dans les premiers instants de sa conférence sur le sujet à l’Université Laval, M. Derriennic a voulu mettre les pendules à l’heure en mentionnant «que les données d’un conflit changent et il est faux de dire qu’il faut régler les causes profondes pour régler ce conflit. […] Depuis 1975, l’occupation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie a changé. Avant, quand il y avait des guerres interétatiques avec les États arabes, il y avait une vraie menace au sens conventionnel. Aujourd’hui, [puisque des accords de paix ont été signés en 1979 avec l’Égypte et en 1994 avec la Jordanie], l’occupation des territoires palestiniens n’est plus un moyen se protéger», a expliqué le conférencier.
Perte de confiance
Évidemment, le problème est complexe et a plusieurs facettes. Dans les deux camps, il y a une perte de confiance dans l’élaboration d’un processus de paix viable, toutes les tentatives jusqu’à ce jour ayant échoué. «Il y a une persistance du thème de la destruction d’Israël. Oui, le Hamas peut embêter, même beaucoup, Israël. Mais est-ce qu’on a bombardé Dublin pour se débarrasser de l’IRA? La situation a changé, on ne doit pas réagir aussi intensément», a affirmé M. Derriennic. En effet, si les parties désirent réellement un processus de paix, il faudra continuer les discussions et «cesser de réagir avec une violence extrême sous tous les prétextes; c’est donner le pouvoir aux radicaux, c’est leur donner le dernier mot.» Et des radicaux, il y en a dans les deux camps : les Israéliens qui veulent la paix par l’annexion des territoires et les Palestiniens qui veulent la paix «dans 50-80 ans, le temps de détruire Israël». Il semble donc impératif de cesser de donner des prétextes aux extrémistes des deux parties et les amener à la table des négociations.
Tout en ne niant pas l’importance des enjeux que sont Jérusalem et le sort des réfugiés palestiniens de 1948, l’évacuation des colonies et de l’armée des territoires palestiniens semble être, pour l’expert du Moyen-Orient, la première étape à réaliser pour construire la paix : «En 2005, il y a eu l’évacuation de la population israélienne de la bande de Gaza. Mais, en fait, ça n’a pas été la fin de l’occupation. On ne pouvait pas circuler plus. […] Les accords d’Oslo en 1993 n’avaient même pas prévu le gel de l’expansion des colonies. Depuis, il y a un morcellement du territoire palestinien en une multitude de parcelles. Il est devenu très compliqué de circuler et ça a fait chuter gravement l’économie. Dans ces accords, on prévoyait la paix en cinq ans, mais ça fait treize ans que les Palestiniens vivent dans une situation matérielle dégradée», a exposé le professeur.
L’autre côté de la médaille
Contacté au sujet de la conférence, le directeur de programmes du Comité Québec-Israël,
Me Jonathan Kalles, s’est montré en franche opposition avec les propos du professeur Derriennic. «On a fait une trêve à Gaza en 2005 et ça n’a pas marché. Le plus difficile, dans ce conflit, reste les réfugiés de 1948. Ça fait 60 ans qu’ils se font dire qu’ils vont retourner chez eux. Pour les Palestiniens, 1948 est la grande catastrophe, la Nakba. Lorsque tu penses que tu as été la victime du pire crime de l’humanité, il n’y a pas de compromis», a expliqué Me Kalles. Ce dernier ajoute qu’Israël a la volonté, même si ce n’est pas facile, de retirer ses colonies advenant un accord de paix.