Le 5 novembre dernier, la candidate démocrate à la présidence américaine, Kamala Harris, fut largement battue par le candidat républicain Donald Trump, perdant non seulement le vote populaire, mais aussi le collège électoral. Cette défaite électorale s’inscrit dans une série de défaites pour les démocrates. Le Parti démocrate avait perdu la Chambre des représentants en 2022, lors des élections de mi-mandat, et a été incapable de la reprendre, sauf que cette fois-ci, il essuiera une défaite au Sénat. Il est possible d’expliquer la défaite de la candidate démocrate par la tenue de sa campagne.
Par Nicolas Drolet, journaliste collaborateur
Toute campagne électorale se prépare avec un plan de campagne fait des mois à l’avance. Or, la campagne de Kamala Harris a été planifiée sur un coin de table. Certes, il n’est pas question de jeter la pierre à Mme Harris, puisque Joe Biden voulait se représenter et c’est uniquement par la désastreuse prestation de celui-ci lors du débat contre Trump qu’elle fut jetée dans la mêlée. On aurait pu prédire la défaite des démocrates dès le changement de candidats au début de l’été. Le plan de campagne de Kamala Harris s’est donc fait dans l’urgence et cela s’est vu dès le début de la campagne. On ne change pas de cheval au milieu d’une course!
La position de certains chroniqueurs québécois sur la politique américaine manquait souvent de nuance. Luc Laliberté, par exemple, décrivait la candidate démocrate comme étant « l’héritière d’Obama » en couvrant la Convention démocrate, ce qui me faisait bien rire, car il manquait à Kamala Harris tout le charisme de l’ancien président. De plus, elle ne fut pas la personne ayant obtenu l’attention des militants lors de la Convention, mais l’ancien président Barack Obama. Obama, quoiqu’on pense de lui, était et est toujours quelqu’un de charismatique. Les observateurs canadiens ET québécois, dans leur majorité, ont refusé de voir ce qui se passait réellement.
Un exemple de cet aveuglement – après que Donald Trump ait fait ses déclarations scandaleuses lors du débat entre lui et Kamala Harris – lorsqu’il prétendait que les immigrants à Springfield, Ohio, mangeaient les chiens, les chats et les animaux de compagnie, on avait prétendu que les intentions de vote en faveur de Kamala Harris avaient augmenté. Or, un autre analyste, Jonathan Paquin, plus circonspect, avait dit que les intentions de vote n’avaient pas réellement évolué lors d’une entrevue à Radio-Canada.
Suite à son débat avec Trump, Mme Harris décide de faire une entrevue avec Fox News pour essayer de séduire les républicains progressistes. Or, elle n’a pas bien lu l’audience, puisque le public qui regarde Fox News est composé en majorité de gens qui sont déjà férocement du côté de Donald Trump, ce qui rendait son message inaudible pour cette part de l’électorat.
Dans le cours Marketing électoral et stratégies politiques appliquées, la première chose qu’on nous apprend est ceci : « Si tu parles à tout le monde, tu ne parles à personne. ». En ce sens, Kamala Harris n’a pas bien jaugé son audience et n’a pas tenté de séduire le bon électorat. Lorsqu’un message doit être passé, il doit trouver un public réceptif, et n’importe qui sachant utiliser un minimum de bon sens aurait constaté que l’électorat trumpiste n’est pas particulièrement réceptif au message des démocrates.
La deuxième chose qu’on nous apprend dans ce cours est que les partis politiques doivent investir leurs ressources seulement dans deux types d’États : les châteaux forts (c’est-à-dire les États fortement acquis aux républicains ou démocrates), et les swing states, qui sont « des champs de bataille », c’est-à-dire des États où la bataille est rude entre les deux partis. Or, Kamala Harris pensait pouvoir se passer de faire campagne dans la majorité des swing states et n’a concentré ses efforts que sur deux. Elle a investi majoritairement ses forces sur la Pennsylvanie et le Michigan, investissant moins sur la Géorgie, la Caroline du Nord, l’Arizona, le Nevada et le Wisconsin. Et après, accessoirement, il est possible d’aller faire campagne dans quelques états châteaux forts adverses.
Une autre erreur que Kamala Harris a commise fut d’être le moins présente possible sur le terrain. Elle avait appelé deux anciens présidents démocrates, c’est-à-dire Bill Clinton et Barack Obama, afin de faire campagne pour elle. Certes, il s’agit d’une pratique courante, mais un.e candidat.e à la présidence doit faire campagne soi-même jusqu’au dernier jour. Harris avait essayé de tout miser sur la condamnation récente de Trump, oubliant complètement qu’une grande majorité des citoyen.es ne vote pas pour la respectabilité d’un candidat.e.
À deux semaines de l’échéance électorale, Mme Harris avait décidé d’être de moins en moins présente, voire d’être complètement invisible pendant les deux dernières semaines, ne sortant qu’une seule fois pour faire son « discours-réquisitoire » envers Trump. Outre cela, elle avait laissé le terrain médiatique inoccupé de son côté, alors que Trump était partout sur les écrans des Américains.
La campagne démocrate était donc un ratage de A à Z sur toute la ligne. Même malgré son late
onboarding, Kamala Harris n’a pas su faire autrement que contribuer à l’enterrement de sa propre campagne.