Quand démission sonne évolution

Plusieurs politiciens tunisiens se sont rencontrés samedi dernier, afin de signer une feuille de route qui devrait permettre à la Tunisie de parachever sa transition politique par l’adoption de la constitution et d’ouvrir un nouveau chemin face à l’engoncement politique qu’a suscité l’assassinat d’un membre de l’opposition il y a à peine deux mois et demi.

En effet, la sphère politique tunisienne est paralysée depuis le 25 juillet dernier, date à laquelle un second membre de l’opposition, Mohamed Brahmi, a été assassiné devant sa résidence. Semblable au meurtre de Chokri Belaïd le 6 février 2013, de nombreux Tunisiens pointent du doigt le parti islamiste au pouvoir, Ennahdha, qui n’a pas su rétablir la sécurité au pays, ainsi que les membres de la Ligue de la protection de la révolution qui demeurent les principaux suspects selon la croyance populaire. En réaction au sit-in mené par des civils devant l’Assemblée nationale constituante (ANC), un peu moins d’une soixantaine de députés de l’ANC ont boycotté les rencontres de l’Assemblée en demandant la démission du parti au pouvoir.

La feuille de route, proposée par quatre médiateurs dont la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT – syndicat tunisien), a été signée par les principaux partis politiques (à l’exception pour le moment du Congrès pour la République dont est issu le président actuel Moncef Marzouki). Elle prévoit la nomination d’un premier ministre indépendant (d’ici une semaine) qui aura deux semaines pour former un nouveau cabinet, ce qui entraînera la démission du gouvernement d’Ennahdha dans un délai de trois semaines maximum. La Constitution devra être complétée et votée d’ici un mois, d’où la nécessité de recourir à des experts. L’élaboration du calendrier pour les élections est prévue en même temps que le choix des membres de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE).

Crise politique, mais aussi économique

Plusieurs actions menées par les élus ont été désapprouvées par la population, surtout leur augmentation de salaire, alors que l’économie tunisienne est précaire et que le chômage frôle le 20 %, en plus de l’existence des fortes inégalités entre les régions côtières et intérieures. Tel est le cas à Sidi Bouzid, lieu de « naissance » du « printemps arabe » où la population se sent laissée à elle-même et où les espoirs de la révolution ont été étouffés par la dure réalité du contre-choc révolutionnaire.

Malgré une croissance économique de 3 %, plus faible que les prévisions, Chedly Ayari demande aux députés de se soucier davantage de l’économie. Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne avance que les problèmes prioritaires ne concernent pas la dette extérieure, mais plutôt que les dépenses consenties par la Kasbah ne vont pas dans l’investissement au développement et que les politiciens ne prennent pas suffisamment d’actions concrètes pour résoudre la situation précaire. Taux de chômage élevé, inflation galopante, taux de change ridiculement élevé pour la population, réserves de devises basses, tourisme endormi… Les problèmes ne chôment pas eux ! Il faut néanmoins « commencer par le début » et favoriser les investissements étrangers en sol tunisien pour créer des emplois. Bien que le taux de change demeure bas pour les étrangers, la sécurité volatile du pays rebute les éventuels investisseurs à venir s’établir en Tunisie. Les médias ont leur rôle à jouer : les rares fois où il est question de la Tunisie, c’est pour parler des fréquentes grèves, des menaces d’Ansar al-Chari’a et de Jebel Cha’ambi… Une campagne de promotion pour l’investissement étranger devra être l’une des actions menées en priorité, en plus d’une sécurisation des frontières et d’une augmentation de la présence policière (de concert avec une formation beaucoup plus encadrée et stricte des futurs policiers).

Marzouki l’a dit lors de son discours samedi dernier : les deux problèmes majeurs de la Tunisie sont le terrorisme et la situation économique. Améliorer la situation économique de la Tunisie fera en sorte de diminuer les risques d’activités terroristes. Donnez-leur un avenir…

Auteur / autrice

  • Sabrina Zouaghi

    Étudiante en dernière année au Baccalauréat intégré en affaires publiques et relations internationales, s'intéresse à la zone MENA (Middle East and North Africa) et à ses innombrables particularités... « S'instruire sans agir, c'est labourer sans semer. » - Proverbe arabe

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