On ne peut pas dire que le français va mal à cause du ROC (Rest of Canada), ni même à cause de l’influence américaine. Si le français écrit et oral diminue en qualité, c’est d’abord et avant tout un problème qui vient de l’intérieur. Le ministère de l’Éducation, qui l’a trop longtemps imposé à ses élèves comme une corvée pire que les tâches ménagères que les parents exigent de leurs enfants au secondaire, doit essuyer une grande part du blâme. Mais les parents sont aussi responsables, en omettant trop souvent de reprendre leurs enfants lorsqu’ils parlent de manière incorrecte. Sans parler des médias, qui font également la vie dure au français.
À la fin du secondaire, il n’était pas rare que les fameuses compositions que nous avions à produire revenaient, pour certains, tapissées de rouge. Plusieurs dizaines de fautes d’orthographe pour quelques centaines de mots. «Félicitations, entendions-nous, tu as fait 56 fautes, mais ta composition est tellement originale.» J’exagère à peine. À peu près les mêmes propos sont rapportés dans l’article produit par Le Soleil, dans lequel une professeure de cégep souligne la créativité de ses élèves, qui ont cependant le défaut de la retranscrire «tout croche». Sont tellement beaux. Les analphabètes sont aussi capables d’avoir de bonnes idées.
Le taux de réussite à l’examen de cinquième secondaire baisse aussi. Je me suis toujours demandé pourquoi on ne nous faisait pas jouer avec le français, comme on nous faisait jouer avec un ballon en éducation physique. Pourquoi réserver le théâtre à un nombre restreint d’élèves? Pourquoi ne pas avoir été plus sévère face à l’incompétence linguistique? Le français ressemblait à un cours de mathématiques et c’est peut-être la raison qui explique que tant de jeunes se sont éloignés de la langue. Au lieu d’associer la langue française à un outil, l’enseignement proposé l’a plutôt ramené à un obstacle au bonheur d’un enfant-roi du secondaire.
On entend les effets de ce laxisme partout sur le campus. Des exposés oraux parfois pénibles à écouter, où le rythme est inexistant et les fautes d’accords, nombreuses, et les pis que, pis que. On ne devrait même plus craindre de perdre des points pour la qualité du français à la remise d’un travail ou à la rédaction d’un examen. C’est pourtant toujours le cas. Il n’est pas normal que, globalement, la langue française soit mal maîtrisée dans le milieu de l’éducation supérieure, elle qui est si fragile dans l’océan anglo-saxon qu’est l’Amérique du Nord.
Espérons que la fameuse réforme de l’éducation rapporte des dividendes. Il faudra attendre 2010 avant que ces élèves prennent place dans les classes de français des cégeps québécois. Ou peut-être dans les classes de mise à niveau.