Investir ou déréglementer?

Depuis 2007, et jusqu’en 2012, les frais de scolarité augmenteront de 50$ par session. Malgré la contestation provoquée par cette décision du gouvernement, cette hausse fait dorénavant partie de la réalité dans le système d’éducation québécois. Tant et si bien que l’IEM s’affaire déjà à préparer l’après 2012. Dans une note économique publiée à la fin du mois d’octobre, l’organisme montréalais s’aligne sur les propositions du rapport Montmarquette et propose d’abolir l’uniformité des frais relatifs à une inscription dans un programme d’études. Par exemple, les étudiants en médecine qui paient actuellement 12,3% du coût de leur formation, verraient leur facture grimper significativement. Les étudiants en lettres, qui défraient 40% des coûts reliés à l’enseignement de leurs programmes, ne verraient que peu ou pas de changement sur leur état de compte.

Le système actuel : une injustice
Pour pallier ce qui pourrait faire exploser le montant à payer pour certaines formations, l’IEM soutient fortement le concept de remboursement proportionnel de la dette étudiante en fonction du revenu (RPR). «On est rendu là. Il y a une injustice flagrante actuellement dans le système d’éducation, affirme l’auteur du document de l’IEM, Mathieu Laberge. Je ne vois pas pourquoi certains étudiants paient pour la formation d’autres étudiants. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’y penser». L’économiste soutient fermement que de telles initiatives n’auraient que peu d’effets sur le taux de fréquentation des universités. Philippe Hurteau, co-auteur de l’étude de l’IRIS, qui propose notamment un réinvestissement massif de l’État québécois en éducation, s’oppose fermement aux propositions de M.Laberge : «Chaque hausse des droits de scolarité réduit l’accessibilité et augmente la tendance vers la privatisation et l’américanisation de l’éducation. Règlons le sous-financement en investissant plus dans l’éducation. Le meilleur moyen d’accéder à l’université, c’est d’enlever les obstacles. Il faut faire la différence entre la fréquentation et l’accessibilité. L’IEM ne fait pas cette différence.»

Halte à la marchandisation de l’éducation
Mathieu Laberge, qui a été l’élève de Claude Montmarquette, va encore plus loin dans ses propositions. Le dégel asymétrique des frais de scolarité devrait, selon lui, mener dès 2018 à une déréglementation des coûts reliés à la formation universitaire. Autrement dit, les institutions québécoises seraient libres de fixer les droits de scolarité qu’elles souhaitent. Tout cela en ayant pour effet escompté d’augmenter la compétition entre les établissements universitaires québécois. Selon lui, les établissements seraient poussés à développer des expertises dans des domaines de pointe, ce qui favoriserait le recrutement de professeurs de haut niveau : «Il manque de compétition. La compétition peut devenir intéressante si on pousse les universités à créer des programmes d’innovations. Je crois qu’il y a de l’ouverture à l’échelle des administrations universitaires.»

De son côté, Philippe Hurteau dénonce les visées de l’IEM, qu’il qualifie de néo-libérales : «Ils proposent de déréglementer le système d’éducation pour laisser le marché dicter les règles. Pour nous, cela confirme nos appréhensions. Le système actuel est sous-financé et c’est en raison du désengagement de l’État. Actuellement, l’État finance 15% de moins qu’à la fin des années 1980. Notre position est simple:il faut augmenter les chances d’accès aux études supérieures. Les étudiants rendent service à la population une fois leurs études terminées, il ne faut pas oublier cela. Nous devons avoir une vue plus collective. L’IEM propose une marchandisation des programmes. On peut difficilement trouver cela attrayant.» Même son de cloche pour Simon Bérubé, président de la CADEUL : «Cela pousse vers une individualisation de la société. C’est la logique
néo-libérale poussée à l’extrême. Leur agenda politique ne va pas dans le sens du bien commun de la société. Ça sera des privilégiés qui auront accès à certains programmes. Pourquoi un enfant d’une famille modeste ne pourrait-il pas aller dans un de ces programmes? À venir jusqu’à maintenant, le système actuel a fait avancer le Québec. Il faut s’assurer que tout le monde ait accès au programme d’étude qu’il veut. C’est une porte d’entrée vers une éducation utilitariste. L’université doit former des travailleurs, mais aussi des critiques», fait-il valoir.

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