Mercredi dernier, deux conférences tenues au pavillon Charles De-Koninck ont mis les sondages à l’honneur. François Pétry et Jean Crête, professeurs du Département de science politique de l’Université Laval, ont considéré, chacun leur tour, un aspect des sondages, malmenés mais repris à l’envie par les médias.
François Pétry, directeur du Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP), a évoqué la réglementation des sondages électoraux. Le dévoilement des intentions de vote avant le jour du scrutin a suscité, ces dernières années, des débats quant à une réglementation plus ou moins sévère. La loi fédérale de 1993, proclamait une interdiction de publication des sondages électoraux, valable pour les 72 heures précédant le scrutin. Aujourd’hui, une loi votée en 2000 encadre toujours le phénomène, mais de façon plus souple, interdisant tout sondage 24 heures précédant le scrutin. Entre temps, Thompson, firme de sondage employée par le Globe and Mail, était allée jusqu’à porter l’affaire devant les tribunaux ontariens, au nom de la liberté d’expression. Débouté dans un premier temps, Thompson s’était fait entendre devant la Cour suprême, qui n’a pas retenu l’argument du préjudice du votant, sur qui s’exercent les effets des sondages. L’arrêt Thompson Newspapers Co. (contre le gouvernement du Canada) de 1998 avait ainsi conduit à un allègement à la réglementation et à la
présente loi.
A l’époque, les juges de la Cour suprême avaient motivé leur décision par l’évidence scientifique selon laquelle les sondages ne trompent pas les électeurs, et déclaré qu’une liberté fondamentale ne pouvait être violée à ce motif. Si les sondages incitent au vote stratégique, de nombreux effets sont neutralisés, comme dans le cas du bandwagon effect (avantage au candidat en tête) et de l’effet du perdant (de soutenir le perdant sous prétexte qu’il est perdant) qui viennent compenser ce premier effet.
Quel support pour le sondage de demain ?
Jean Crête a, quant à lui, développé une évaluation du mode de sondage, en comparant le téléphone et Internet. Le traditionnel sondage téléphonique fonctionne encore assez bien même si «un certain nombre d’informations manque, par exemple lorsque les sondés doivent se situer sur une carte». À l’opposé, le nouveau média qu’est Internet offre l’avantage de présenter une interface plus attrayante (présentation d’images et de graphiques) en plus d’être bon marché : «J’ai répondu à trois hier […] ça ne doit pas coûter très cher si j’en reçois autant chaque jour…», relève Jean Crête.
Reste à se questionner sur l’efficacité du support Internet : Est-ce qu’une enquête par Internet assure les mêmes résultats que par téléphone ? La firme Léger Marketing a été sollicitée dans cette optique, pour effectuer un même sondage par téléphone et par Internet. «Au total, on ne peut pas dire que le web doive être mis de côté». Les résultats, qui manquent encore de données, se doivent d’être confirmés par des études ultérieures avec plusieurs enquêtes téléphoniques et via le Web…
Quelle que soit la forme que prendra le sondage de demain, François Pétry relève la question du fond : «Beaucoup de sondages posent des questions totalement à côté de la plaque». Pour preuve, ce sondage du Journal de Montréal de la veille qui offre un bel exemple de question ambiguë : «Est-ce que la décision de Jean Charest de déclencher des élections maintenant influencera votre vote le 8 décembre prochain? Si oui, est-ce positivement ou négativement?» On peut difficilement sortir positivement éclairés d’une telle question… Certains, cependant, argueront bien que l’essentiel est que «pour 55% des personnes interrogées, cela n’influencera pas leur vote» !