Sous la glace, le minerai

Autrefois considérée comme une région inhospitalière et inintéressante économiquement, l’Arctique déchaine aujourd’hui les passions et le verbe des hommes politiques canadiens et russes. La raison est simple : il est censé détenir plus de 25 % des gisements de pétrole et de gaz naturel non découverts de la planète. Les escarmouches verbales les plus récentes datent de la semaine dernière, lorsque le Kremlin a affirmé vouloir protéger ses intérêts dans la région en y déployant des militaires. Ce à quoi Lawrence Cannon, le ministre des Affaires étrangères du Canada, a répondu que le Canada est «intraitable sur la défense de la souveraineté canadienne sur l’Arctique à l’égard de nos alliés et des pays qui pourraient avoir des velléités à l’attaquer». M. Cannon a toutefois spécifié qu’il parlerait avec son homologue russe «dans un avenir proche».

La Russie en a aussi profité pour critiquer la présence accrue de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord) en Arctique en affirmant, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Andreï Nesterenko, que cette présence «peut entraîner la destruction du modèle constructif de coopération entre les pays riverains.» Difficile de savoir à quelle coopération M. Nesterenko fait référence, puisque mis à part des échanges de données scientifiques confirmant le réchauffement de cette partie du globe, les discussions politiques constructives entre les pays membres du Conseil arctique sont rares. L’envoi de sous-marins par la Russie dans la région, comme l’a annoncé le vice-amiral Oleg Burtsev, chef d’état-major adjoint de la marine russe la semaine dernière, ne risque pas d’améliorer la situation.

En ajoutant à ces variables les visées que les États-Unis ont sur le passage du Nord-Ouest, possiblement navigable tout au long de l’année grâce aux changements climatiques, allons-nous assister à une nouvelle guerre froide, au vrai sens du terme cette fois-ci, pour l’Arctique? Il est clair que chacun des huit pays formant le Conseil de l’Arctique (Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Suède et Russie) veut sa part du gâteau et ne lâchera pas un pouce de terrain. Néanmoins, il est peu probable de voir un conflit armé opposant ces différents États, étant donné l’appartenance de cinq pays sur huit à l’OTAN, un pacte de coopération militaire. De plus, la Russie, non membre de l’OTAN, n’est pas prête à se lancer dans une guerre avec ses voisins, malgré le mouvement d’équipement militaire dans l’Arctique. Anton Vassilev, diplomate russe et président du Comité des représentants de haut niveau des États membres du Conseil de l’Arctique, affirmait en octobre dernier que «certaines évaluations des médias de masse annonçant des affrontements en Arctique jusqu’à l’éclatement de la troisième guerre mondiale, sont alarmistes et provocatrices». À son avis, «il n’y a aucun motif justifiant ce pessimisme.»

Malgré l’attraction que constitue le Pôle nord sur les pays circumpolaires, mais aussi sur l’ensemble de la communauté internationale et les intentions de chacun, la lutte armée est impossible dans le contexte économique mondial actuel. Les échanges financiers internationaux sont d’une importance considérable et sont surtout déjà déstabilisés par la crise actuelle. Ainsi, deux avenues s’offrent aux protagonistes : la coopération ou le statu quo.
 

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