Airbnb: Hôteliers à temps partiel

Louer sa chambre ou son appartement à des touristes de passage pour tisser des liens et arrondir ses fins de mois ? C’est possible grâce à Airbnb. Cette plateforme de location est de plus en plus en vogue, notamment chez les étudiants. Même si ce moyen frôle parfois l’illégalité. Rencontre et témoignages.

Airbnb, cette plateforme communautaire de location et de réservation de logements de particuliers, séduit de plus en plus de touristes. Et parmi eux, de nombreux étudiants. Fondé en 2008, Airbnb est disponible dans plus de 34 000 villes et 192 pays. À Québec, on compte près de 700 locations (chambre ou appartement complet). Les prix par jour oscillent entre 35 $ pour une chambre à quelques centaines de dollars pour un appartement meublé.

Beaucoup ont découvert cette formule de location lors de leurs voyages, ce qui leur a donné le goût de tenter l’expérience avec leur propre appartement. C’est le cas de Daphnée, étudiante en sciences de l’éducation, qui, depuis septembre, loue une chambre de son appartement qu’elle partage avec son conjoint. « On avait déjà utilisé Airbnb pour un voyage à New York et à Barcelone. C’est après ça que j’ai eu l’idée de mettre notre chambre à louer », raconte-t-elle.

L’expérience de Maxime, étudiant en architecture, est comparable : « Je reviens d’un échange d’un an en France. Et durant cette année, j’ai voyagé un peu partout en Europe et j’ai utilisé Airbnb là-bas. Je me suis dit, c’est tellement un bon concept que j’ai décidé de faire confiance et de l’offrir en revenant ici ».

Arrondir ses fins de mois

Bien que l’intérêt d’accueillir de nouvelles personnes et de faire des rencontres soit bien présent chez tous les locataires, une des principales motivations reste d’arrondir ses fins de mois. Daphnée témoigne : « J’habite en couple. On a emménagé dans un appartement quand même assez grand. Moi, en étant étudiante, je peux à peine payer ma moitié. Donc on a décidé ensemble de trouver une solution, qui est de mettre à louer l’autre chambre sur Airbnb ». L’étudiante l’avoue, « la motivation à la base, c’est de boucler le mois. Mais on a réussi à faire ça et en plus à faire de belles rencontres ! »

Pour Stéphanie, étudiante au Cégep Limoilou, l’initiative est également partie d’un aspect financier. « J’ai décidé de mettre mon appartement sur Airbnb parce que je souhaitais passer l’été aux Îles de la Madeleine pour le travail, relate-t-elle. Comme la vie aux Iles, surtout en été, coûte très cher, je n’avais pas les moyens de me payer deux loyers pendant 3 mois. De cette façon, j’ai pu profiter de mon été sans me casser la tête avec les problèmes d’argent ».

La commodité et la simplicité du site Airbnb séduisent également les étudiants. Pour Pierre-Luc, étudiant de l’Université Laval parti cet été en Europe pour plusieurs mois, « l’option Airbnb était la plus simple, efficace et personnalisée pour couvrir mes frais ». Après son voyage, cet étudiant a décidé de poursuivre l’expérience quelque temps « pour couvrir [ses] frais mensuels de loyer qui sont trop élevés pour une personne ».

Des rencontres enrichissantes

À cet incitatif financier s’ajoutent bien entendu une soif de rencontres et l’envie de se mettre dans la peau d’un hôtelier pour quelques nuits. Pour Pierre-Luc, Airbnb lui permet de « continuer à voyager d’une certaine façon » en accueillant des touristes de passage chez lui.

Tous les étudiants interviewés avouent prendre grand soin de leurs invités. Daphnée et son conjoint, par exemple, prennent « pour chaque invité, au moins une soirée ou une journée pour les accompagner ». « On a beaucoup de demandes. On a donc décidé de vraiment choisir nos invités. Essentiellement des étrangers. On ne voulait pas seulement accueillir pour se faire de l’argent, mais aussi pour découvrir d’autres cultures », commente l’étudiante en sciences de l’éducation.

Pour Stéphanie, l’expérience se révèle aussi bénéfique qu’enrichissante. « Je n’ai eu que de très bonnes expériences jusqu’à présent. Les gens ont été sympathiques, propres et autonomes. J’ai pris le soin de faire une liste d’endroits plaisants dans le quartier et de petites consignes pour l’appartement, car je n’étais pas présente pour recevoir les gens », se réjouit-elle.

Un franc succès !

Même si, pour tous, une petite appréhension était sensible au début de l’expérience, la location se révèle être un franc succès. Maxime se rappelle le moment où il a commencé à mettre son appartement en location : « Au départ, c’est un peu comme un pari. On ne sait si on va réussir à le louer, à avoir un revenu ou non. Mais ça fonctionne super bien. J’ai toujours des réservations ».

Ce que cet étudiant en architecture apprécie, c’est de ne pas à avoir à démarcher ses invités. « Ce qui est bien, c’est que ce n’est pas toi qui va chercher du monde. C’est les gens qui veulent venir dormir chez toi qui viennent. Mais d’un côté, de ne pas avoir le contrôle, ça fait peur », affirme-t-il.

Pour lui, le prix de la location lui permet de nuancer et de filtrer la demande. « Si je vois qu’il y a beaucoup de demandes, j’augmente un peu mon prix. Ça fait déjà un filtre. Mais je fais confiance aux locataires pour prendre soin de mon appartement, déclare-t-il. Le plus dur, c’est de faire le premier jet. Après, tu vois que tu peux avoir confiance et tu vois la rentabilité. Ça t’incite à continuer. »

Aux frontières de l’illégalité

Le problème reste que mettre son appartement en location doit entrer en conformité avec la législation en vigueur. Comme cela est mentionné sur leur site internet, Airbnb « ne fournit pas de conseils juridiques ». La plateforme fournit juste des liens utiles afin d’aider les utilisateurs à mieux comprendre les obligations découlant des lois et règlements au Québec.

Parmi ces obligations, celle découlant de la Loi québécoise sur l’hébergement touristique, qui précise que « toute personne qui offre en location au moins une unité d’hébergement pour des périodes de 31 jours ou moins doit détenir une attestation de classification émise par Tourisme Québec ».

Mais aucun étudiant interviewé ne s’est dit au courant d’une telle attestation. Tous savent par contre qu’Airbnb frôle parfois l’illégalité. « Airbnb, à la base, c’est pas très légal quand même », déclare Daphnée. Stéphanie ironise quant à elle : « Je sais qu’Airbnb est la bête noire de l’Office du tourisme et qu’ils tentent de donner des amendes aux gens qui louent leur logement. »

Aucun ne l’a non plus déclaré à son propriétaire. Alors, pour continuer à recevoir des invités, il faut s’adapter et mentir quelque peu. « À chaque fois qu’il y a des gens qui viennent, on prévient nos invités et on leur dit que si on leur demande quelque chose, de dire que ce sont nos amis », explique Daphnée.

Cet aspect plus ou moins légal refroidit quelque peu les étudiants. « Tout cela me met mal à l’aise. Airbnb est une solution transitoire. J’aime le modèle qu’ils offrent et je crois que cela a du potentiel pour le futur. Mais ce sera au moment où cette demande sera comprise et assimilée à la réglementation. Je crois que ce temps viendra », estime Pierre-Luc.

Même écho pour Maxime qui affirme arrêter l’expérience si cela pose des problèmes en ce qui concerne ses impôts notamment. « Mais c’est un peu comme une drogue cette affaire-là », conclut-il.


 

Les prénoms des étudiants ont été changés pour préserver leur identité et leur témoignage.

Auteur / autrice

  • Margaud Castadère-Ayçoberry

    Derrière ce nom imprononçable aux accents d’outre-Atlantique, cette bordelaise rêve d’ici et d’ailleurs. Récemment graduée en journalisme international, elle poursuit une maîtrise en relations internationales. Journaliste active et enjouée, elle est constamment en quête de nouveaux sujets. Friande d’actualités, elle est aussi à l’aise dans une salle de rédaction, dans un studio de radio, ou à une terrasse de café. Malgré sa petite taille, elle sait se faire entendre et avec elle… le monde bouge !

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