CHRONIQUE | Lors de la dissolution de la Chambre des communes, j’étais l’un des rares qui voyaient cette élection d’un bon œil. Quand tout va bien, nous allons aux urnes, question de faire un rappel. Tout le monde est content… oui, non? Nous changeons ou nous continuons? Mais en temps de crise comme celle que nous vivons, une élection est plus que pertinente. Soumettre au peuple son sort politique, en leur demandant s’il approuve la gestion dudit événement est, en somme, une manière de légitimer un programme politique. Seulement, quel est le message que nous venons d’envoyer au gouvernement? Le premier ministre Justin Trudeau est allé au combat pour se voir offrir une majorité, mais notre réponse est « non ». Ok pour le pouvoir, mais… pas sans restrictions. Dans quelle position ce résultat le place-t-il?
Par Jimmy Lajoie-Boucher, journaliste collaborateur
Je ne suis pas de ceux qui font dans la surinterprétation. Lorsque l’exercice est pertinent, d’accord. Sur cette vague, je vais clore le sujet du message bien vite, on ne déclenche pas des élections pour avoir plus de pouvoir dans le but de satisfaire son égo. Comme j’ai écrit dans un précédent texte, Justin Trudeau aurait dû faire de cette élection un plebiscite sur son programme de gestion, ou de sortie de crise. Il aurait donné un postulat à cette campagne qui en avait grandement besoin.
Miroir
C’est fou, dans le contexte actuel, nous avons tous les bons vieux adages qui font de la politique… la politique! Le premier, un aparté qui est cohérent avec ma logique, vous verrez : « avec un pont, on fait trois mandats. Le pont est promis, le pont est construit, et finalement, le pont est inauguré ». Voilà, vous avez trois élections! Maintenant, l’adage qui nous intéresse : « en politique, on ne gaspille jamais une bonne crise ». Bien sûr, le premier nous ramène à l’enjeu d’un pont-tunnel dans la région de Québec. Seulement, pour dépasser ce paradigme, le deuxième nous ramène à un point crucial. L’élection, elle tourne autour de quoi?
Au provincial, les deux partis traditionnels avaient compris cet impératif, ils ont simplement oublié de se renouveler. La question nationale a été étirée à outrance, assez qu’ils ont noyé le poisson. Résultat, pour la première fois en cinquante ans, ce n’était ni le Parti québécois, ni le Parti libéral qui ont rafflé le pouvoir, mais un parti fraîchement créé, à savoir, la Coalition avenir Québec (CAQ).
Sur la même lancée, quelles sont les premières choses que François Legault a faites? Trouver un élément qui soit centralisateur. Les Québécois.e.s « en ont leur claque » d’entendre parler de référendum, mais tiennent à leurs spécificités en tant que nation. Eh bien, comme en bon vieux péquiste qu’il est, n’oublions pas ses origines, M, Legault est un habile stratège politique et financier, de par son passé comme ministre et homme d’affaires. Il a d’abord déclaré à tout le monde qu’il était maintenant en paix avec l’idée d’un Québec au sein de la fédération canadienne, sans oublier de souligner son attachement envers ses racines. Vous connaissez le résultat autant que moi.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, n’a pas trouvé son élément centralisateur, sans jeu de mots, mais avec un peu d’ironie tout de même, quand on sait la tendance centralisatrice que le premier ministre prône dans sa politique. Nous parlons d’une règle sacro-sainte de la psychologie des foules en ce moment. Que nous soyons de gauche ou de droite, pour réussir à gagner une élection, il faut avoir une visée bien précise, sans quoi tout ce qu’il reste comme matière sur laquelle le peuple focalise, ce sont nos faiblesses.
« L’homme est un loup pour l’homme », voilà un autre adage sur lequel tirer des leçons. Pointer son doigt sur quelque chose, sinon vos adversaires politiques vont vous mettre un miroir en pleine face. Eh bien, c’est ce que Trudeau a eu, un miroir. Autant sous forme de métaphore, que littéralement. Le 21 septembre 2021, Justin Trudeau était dans la même position que la veille, mais plusiurs millions dépensés en plus pour une campagne.
La maudite « com »
Personnellement, on ne me fera pas croire que Justin Trudeau, qui a grandi entouré de politiciens, et dont le père n’était nul autre que feu Pierre-Elliott Trudeau, ne savait pas ces règles de base. Je le répète encore une fois et sans l’adage susmentionné, il n’y a rien de plus légitime que d’envoyer les citoyen.nes aux urnes au moment où le pays traverse une crise. Vous en faites un plebiscite et de surcroît, vous avez un prétexte déjà prêt qui ne vous reste qu’à exploiter. Par chance, Erin O’Toole n’a pas eu le temps de se construire une notoriété à travers le pays, et les autres partis… bref. M. Trudeau gagnerait à revoir sa stratégie de communication, car je ne suis pas sûr qu’il va nous la faire deux fois celle-là.