L’annonce de la tenue d’un référendum sur le laissez-passer universitaire (LPU) par les deux associations de cycles de l’Université Laval, la CADEUL et l’AELIES, a grandement fait réagir sur les médias sociaux. Afin de répondre aux différentes questions soulevées dans les commentaires et de contrer la désinformation, Impact Campus a retracé l’information disponible afin d’avoir un débat éclairé.
Quelqu’un de la CADEUL a-t-il au moins fait un sondage auprès de la population étudiante pour demander qui changerait de moyen de transport si la mesure passait ?
Le débat autour du LPU à l’Université Laval remonte à loin. Même notre chef de pupitre aux arts, Jean-Sébastien Doré, n’était pas encore étudiant à cette époque. Le premier mémoire sur la collectivisation du transport en commun remonte à 2005, alors que l’Université de Sherbrooke, la Société de transport de Sherbrooke et les deux associations de cycle de l’institution, venaient tout juste de s’entendre sur la mise en place d’une telle mesure pour les étudiant(e)s en Estrie.
En 2009, les étudiant(e)s de l’Université Laval se sont prononcé(e)s en faveur d’un projet similaire au LPU dans une proportion de 76%, moyennant une contribution de 60$ par session. Cette mesure ne permettait toutefois pas de couvrir l’ensemble des couts, une étude du RTC révélant un manque à gagner de 1,7 M$. Un comité a de nouveau été fondé en 2013 pour se pencher sur des pistes de solution rentables : la proposition référendaire est le fruit du travail qui s’est échelonné sur les cinq dernières années.
Bien que les comparatifs entre Sherbrooke et Québec sont laborieux, la mise en place de la gratuité du transport en commun a résulté en une baisse de 40% de l’usage de la voiture.
Si au moins le tarif était compétitif comme à Sherbrooke. Il faudrait au moins une proposition qui a de l’allure et tout le monde dirait oui pour un 30-50$ de plus sur sa facture.
Si le montant à Sherbrooke est de 34,54 $ par session, c’est notamment en raison d’un partenariat entre l’institution, les associations étudiantes et la société de transport. Ce genre d’ententes n’existe pas en ce moment à l’Université Laval.
La réalité démographique de Sherbrooke (212 000 habitants dans la RMR), son étalement urbain et l’étendue de son réseau de transport en commun sont aussi à considérer lorsqu’on entre dans le jeu des comparaisons. La ville de Québec (807 200 habitants dans la RMR) s’étend sur un peu moins d’une centaine de km2 supplémentaires et son réseau de transport tente, tant bien que mal, de desservir la majorité des secteurs de l’agglomération urbaine. La STS aligne principalement ses activités sur les besoins de la population étudiante, soit un accès efficace aux établissements scolaires de la région.
Les étudiants ont fait la grève, ont participé à des émeutes pendant le printemps érable pour une augmentation sur cinq ans des droits de scolarité et maintenant, ils sont fiers d’accepter et de rajouter 120$ par session pour financer un service que même pas la moitié utilise.
La hausse des droits de scolarité de 2012 imposée par le gouvernement du Québec et le mouvement social s’y opposant de 2010 à 2013 peuvent difficilement être comparés à la mise en place d’un service par et pour les étudiants. Saveurs Campus, le Pub universitaire, et l’assurance collective de l’ASEQ sont des comparatifs beaucoup plus adéquats, en terme de couts et de bénéfices. Les frais administratifs et afférents (facturés par l’Université Laval) sont à distinguer des droits de scolarité (établis par le gouvernement) et des services (mis en place par les étudiant(e)s), lorsque vient le moment de scruter sa facture universitaire.
Seulement sur l’aspect financier de la question, on parle d’un montant de 120$ par session qui grimpera à un peu plus 140$ au bout de deux ans (montant ensuite indexé à 2%), qui sera directement redonné à la population étudiante via quatre mois d’utilisation gratuite des services du RTC. La hausse progressive des frais de scolarité du gouvernement était de 325$ en 2012, 650$ en 2013 et ainsi de suite jusqu’à 1625$ en 2017. La facture universitaire aurait ainsi doublé et ce, sans garantie d’une meilleure gestion des ressources financières par l’administration universitaire.
Finalement, en 2014, 36 % des étudiant(e)s se rendait sur le campus en autobus. Cette proportion était de 22% pour les employé(e)s de l’institution. Cette année-là, 11 500 vignettes de stationnement ont été distribuées, des chiffres stables (et donc en baisse relative) par rapport à l’augmentation de la population étudiante sur la même période.
Le stationnement coûte tellement, tellement, mais tellement cher à l’Université Laval qu’ils pourraient prendre de l’argent là-dessus pour financer le RTC.
L’idée semble excellente à première vue, mais est inapplicable dans le mesure où c’est l’administration de l’Université Laval qui collecte les revenus liés aux stationnements, et que cette dernière a décidé de ne pas supporter financièrement le projet des deux associations étudiantes. Le projet de la CADEUL et de l’AELIÉS est autosuffisant, ce qui a pour effet d’augmenter en partie le montant facturé aux étudiant(e)s, mais aussi d’avoir une structure financière solide qui ne dépendra pas de la saveur environnementale, économique et sociale du moment.
La moitié des étudiants de l’UL prend le transport en commun et on va charger environ la moitié du prix par session. Ceux-ci transfèrent la moitié de leur facture à l’autre moitié d’étudiants. Ça t’habitue au modèle québécois ou tu paies un tonne d’impôts, mais ou tu n’a pas les services pour lesquels tu paies.
Bien qu’il est vrai que la moitié des étudiant(e)s « transfèreraient » la moitié de leur facture de transport en commun à l’autre moitié de la population étudiante, il est important de noter que tout le monde aurait accès aux services du RTC (Québec), de la STL (Lévis) et du traversier Québec-Lévis. Une personne se déplaçant en ce moment à pied ou en voiture pourrait à tout moment utiliser gratuitement le service.
Il s’agit effectivement d’un bon exemple d’une collectivisation d’un service, où un montant universel permet à tout un chacun de bénéficier d’un service, indépendamment de sa situation financière où de son utilisation réelle du service. C’est par ailleurs l’un des principes du modèle québécois, reconnu dans le monde pour son filet social. S’il est vrai que le Québec est l’un des endroits les plus taxés en Amérique du Nord, c’est aussi l’un des endroits où l’état contribue à réduire les inégalités sociales, bref, à améliorer les conditions d’une majorité de personne. En réduisant toutefois toujours la part d’impôt attribuée aux services (ce qui créé un sous-financement chronique), on en arrive vite à l’impression de payer « dans le vide ». Un état fort mis au service des Bombardiers de ce monde, plutôt que de la population qui le compose, est d’autant plus frustrant.