À la fin du mois de novembre, ENvironnement JEUnesse, un organisme d’éducation à l’environnement, a déposé une demande d’autorisation à la Cour supérieure du Québec afin d’intenter une action collective contre le gouvernement fédéral affirmant que ce dernier brime les droits fondamentaux d’une génération avec ses politiques environnementales. Avec l’intention de vulgariser la démarche de l’organisme, Impact Campus s’est entretenu avec Paule Halley, professeure titulaire à la Faculté de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement.
Dans un document émis le 26 novembre, l’organisme accuse le gouvernement fédéral de contrevenir aux droits des jeunes «parce que sa cible de réduction de gaz à effet de serre n’est pas suffisamment ambitieuse pour éviter des changements climatiques dangereux». ENvironnement JEUnesse ajoute que le fédéral ne met pas en place les actions permettant d’atteindre cette cible, déjà «insuffisante».
«C’est le début d’une longue bataille», mentionne d’entrée de jeu l’experte en droit de l’environnement, Paule Halley. Advenant que la demande d’autorisation soit acceptée, l’organisme, représenté par le cabinet Trudel Johnston & Lespérance, s’engage dans une lutte de plusieurs années devant les tribunaux, confirme-t-elle.
«Tout s’organise autour du fait que l’État n’en fait pas assez et qu’il le sait», ajoute la professeure.
L’un des arguments cruciaux de l’action collective souligne l’inaction du gouvernement fédéral alors que ce dernier a reconnu l’urgence d’agir, explique Paule Halley. «Tout s’organise autour du fait que l’État n’en fait pas assez et qu’il le sait, ajoute la professeure, ENvironnement JEUnesse soulève qu’il [le gouvernement fédéral] se traine les pieds et qu’il ne prend pas ça assez au sérieux. Il n’atteint même pas les cibles qu’il se fixe.» L’organisme utilise donc les propres arguments du gouvernement fédéral contre lui, déclare Mme Halley.
«Si le gouvernement continue dans cette voie, cette génération [35 ans et moins] et celles à venir subiront les conséquences graves des changements climatiques, les privant ainsi de leur droit à un environnement sain et à la protection de la biodiversité, de leur droit à la vie et à la sécurité, et de leur droit à l’égalité», dénonce l’organisme d’éducation à l’environnement dans un document remis aux médias. Ces droits fondamentaux sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, clarifie l’experte en droit de l’environnement.
Un mouvement qui transcende les frontières
Paule Halley relève qu’une multiplication de ce type de recours durant les dix dernières années a été observée. Il en aurait plus de 900 selon des données cumulées à l’Université de Yale. Toutefois, la professeure de l’Université Laval affirme que peu d’entre eux ont eu gain de cause.
La professeure souligne le recours Urgenda qui opposait 900 citoyens des Pays-Bas au gouvernement néerlandais. «C’est le recours qui inspire », mentionne-t-elle. Le groupe a eu gain de cause et la Cour du district de La Haye a ordonné au gouvernement des Pays-Bas de réduire d’au moins 25 % d’ici 2020 ses émissions de GES. C’est un bon exemple de procédure judiciaire qui aura un réel effet sur les politiques internes d’un pays, conclut-elle.
De réelles chances pour ENvironnement JEUnesse ?
Questionnée sur les probabilités de voir l’organisme environnemental avoir gain de cause, Paule Halley demeure prudente. «Au niveau de l’autorisation, au regard de la jurisprudence, il y a des difficultés qui vont se présenter à eux. Ils vont devoir satisfaire à des critères qui sont peut-être plus difficiles dans un cas comme le leur de savoir pourquoi ça prend un recours collectif, alors qu’un recours unique aurait suffi», nous indique-t-elle en entrevue.
Toutefois, elle demeure optimiste et affirme que la demande d’autorisation est bien argumentée. Mme Halley ajoute toutefois qu’il faut rester prudent « car la route va être longue ».