Exposition Littérature et féminismes : l’aboutissement d’une réflexion collective

Le 27 avril dernier, les étudiant.es du cours Littérature et féminismes ont présenté une exposition au cœur du pavillon Louis-Jacques-Casault. L’objectif était d’illustrer, sous la forme d’affiches, les rapports entre la littérature et le féminisme. Impact Campus était sur place pour couvrir l’événement.

Par William Pépin, journaliste multimédia

La principale consigne de ce travail de recherche-création était qu’il devait se faire en équipe. Si les travaux à plusieurs sont rares au baccalauréat en études et pratiques littéraires, Mylène Bédard, professeure au Département de littérature, théâtre et cinéma, prouve non seulement qu’ils existent, mais qu’ils permettent aussi de développer un savoir-faire cohérent avec l’objectif du cours. En effet, la démarche était de favoriser l’échange et le débat entre les étudiant.es, le tout dans une perspective de co-apprentissage.

L’exposition représentait l’aboutissement d’une réflexion de longue haleine. Les étudiant.es devaient présenter une affiche de leur cru illustrant les rapports entre littérature et féminismes. Sur chaque affiche, nous pouvions y lire une citation tirée d’une œuvre littéraire qui cristallise la réflexion des équipes. Ces dernières ont eu l’occasion de présenter leurs travaux à l’ensemble du groupe, mais aussi aux curieux.euses sur place.

En marge de l’exposition, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Gabrielle Cloutier-Bonneau, l’une des participantes et étudiante en troisième année du baccalauréat en études et pratiques littéraires. Nous avons pu aborder plusieurs questions, comme les défis liés au travail d’équipe et les rapports de chacun.e aux féminismes.

Impact Campus : Selon toi, en quoi ce travail permet de cristalliser les rapports entre la littérature et le féminisme?

Gabrielle : L’initiative de madame Mylène Bédard mérite d’être soulignée en ce qui concerne ce travail, puisque malgré les défis majeurs entraînés par la grève, le projet d’affiche a été conservé et protégé pour nous permettre un lieu d’expression moins encadré, plus créatif. C’est un luxe qui est rare dans les cours de littérature, où la plupart des évaluations ressemblent plutôt à des dissertations et des analyses purement scientifiques. Pas que ce projet manque de sérieux, bien au contraire, mais il sort certainement du format académique standard. Je pense justement que le concept d’un travail d’analyse qui se présente en exposition se prête parfaitement à l’entre-deux que représente un cours de littérature et de féminisme. Force est d’admettre que le l’institution littéraire, historiquement, en est une dominée par le masculin, par un prétendu universalisme qui ressemble de moins en moins à ce que le corps étudiant veut en faire. Avec le cours Littérature et féminismes de manière générale, on se rapproche du social, liant les enjeux de sexes et de genres à des apprentissages littéraires. Ce travail, à mon avis, est donc parfaitement à l’image de l’intégration de connaissances. L’idée de se revendiquer l’espace institutionnel, de l’investir de propos féministes engagés semble tout à fait de circonstance avec la visée du cours : sortir la littérature de son cadre androcentrique. L’idée de Mylène, je crois, était de nous faire fouiller, de chercher des phrases qui lient le féminisme et la littérature, parce que la littérature est réellement un lieu d’émancipation, porteur d’un potentiel de transformation et d’auto-détermination important.

Impact Campus : Pour toi, en quoi le travail d’équipe contribue au propos du projet?

Gabrielle : En toute franchise, le travail d’équipe agit comme un défi supplémentaire à un travail dans le cadre d’un cours comme Littérature et féminismes. Évidemment, le propos général du cours possède une charge politique, sociale, engagée. Le fait d’effectuer un travail de recherche-création en groupe force non seulement la médiation d’idées de création, mais surtout la mise à plat des différentes idéologies individuelles. On n’a pas tous suivi ce cours pour les mêmes raisons; pour certain.es, il s’agit d’un premier pas dans la réflexion féministe, tandis que pour d’autres (comme moi) le cours se place dans un continuum, par passion pour les méthodologies de recherche littéraire féministe. Je pense que c’est une réponse un peu décevante, mais ici l’impression qui reste du travail d’équipe est la démonstration que lorsqu’on se dédie à un mouvement de pensée (ici, les théories féministes appliquées à la littérature), on tient souvent pour acquis que nos pairs partagent nos idées. La réalité est toute autre. Il faut s’adapter, justifier nos idées, se montrer pédagogue avec les membres de l’équipe qui se situent ailleurs, idéologiquement. C’est délicat, mais formateur.

Impact Campus : Qu’est-ce que ton équipe et toi-même vouliez exprimer avec ce travail?

Gabrielle : Notre citation a été proposée et acceptée rapidement au sein de notre équipe : « Les femmes qui lisent sont dangereuses » est en fait le titre d’un volume, à mi-chemin entre le livre d’art et l’histoire littéraire. L’œuvre de Laure Adler et de Stefan Hollmann compte d’ailleurs plusieurs œuvres sœurs, dont Les femmes artistes sont dangereuses, Les femmes qui aiment sont dangereuses, Les femmes qui écrivent vivent dangereusement, entre autres. Ça donne une idée générale de la thématique véhiculée : simplement dit, les femmes qui sont, qui se réclament de leur agentivité, représentent un danger pour l’ordre établi. Il ne s’agit donc pas d’une citation d’œuvre sacrée dans l’institution littéraire; c’est un choix réfléchi, de démontrer la littérarité et la charge symbolique d’une œuvre qui est grand public. À cette citation, nous avons opposé un collage (le collage est une pratique artistique revendiquée par beaucoup de mouvements féministes) fait avec des découpures de magazine féminin. Nous avions espoir d’y trouver des images sexualisantes, réductrices de la femme; malheureusement, la tâche s’est avérée facile. Le fond lumineux de l’affiche, en forme de rayons de soleil, évoque une lumière presque divine, sur laquelle les images clichées et sexualisantes s’accumulent. L’idée était donc de cacher le « soleil », la lumière avec des slogans et des images, qui pour la plupart reprennent des messages hétéronormatifs et stéréotypés de la femme. Notre message, grosso modo, était de faire coexister les scripts de genres imposés aux lectorats de magazines féminins avec le potentiel danger que peut représenter une femme lectrice. Parce que la connaissance, c’est une arme puissante.

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