Le 15 octobre dernier, un gros joueur s’est lancé dans l’industrie radiophonique. Québecor a lancé QUB Radio, une radio 100% numérique. À l’heure actuelle, en vertu des lois sur la radiodiffusion, Québecor ne peut pas obtenir d’antenne radio. Ces lois sont présentement en processus d’analyse afin de les mettre à jour par rapport au Web. Peu importe les changements apportés, Québecor se retrouvera fort possiblement dans une position avantageuse.
Les règles du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) interdisent à une entreprise, dans un marché donné, de posséder un quotidien écrit payant, une station de télévision et une station de radio. Les entreprises touchées par ce règlement se limitent à Québecor, Groupe Capitales Médias et The Gazette à Montréal. « Le nombre d’entreprises touchées par ces mesures est minime. À partir de là, Québecor fait ça en ligne. Bien qu’ils disent ne pas être intéressés à acheter une station de radio, la loi sur la radiodiffusion peut changer », analyse Sébastien Charlton, coordonnateur aux opérations et professionnel de recherche au Centre d’études sur les médias.
Même si le modèle de radio numérique n’est pas soumis aux règles du CRTC, la radio de Québecor demeure soumise à des lois canadiennes. Les règlements concernant les propos diffamatoires et les droits d’auteur, notamment, sont à considérer. Toutefois, « ce n’est pas de la radio amateur, de l’improvisation mur-à-mur. Ça leur évite seulement de se casser la tête sur le plan administratif », explique M. Charlton.
Un gage de succès
Les auditeurs peuvent écouter QUB Radio sur le site internet ou en téléchargeant l’application mobile. Pour le consommateur, l’enjeu numéro un est celui de l’utilisation de la bande passante s’il veut écouter la radio numérique dans sa voiture.
Lorsque le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes aura statué quant aux règlements du contenu Web, QUB radio pourra simplement apporter quelques ajustements à son modèle. « Il y a de bonnes chances qu’ils soient bien placés dans quelques années. Peut-être qu’ils seront déjà dans le bon pattern et que les gens vont écouter ce type de radio de façon systématique dans leur véhicule. Mais s’ils ne sont pas dans le bon modèle et que la loi adoucit la possibilité que Québecor puisse s’ingérer dans la radio traditionnelle, ils vont déjà avoir sensiblement le nécessaire », estime Sébastien Charlton.
Un modèle rentable?
Les difficultés que vivent les médias traditionnels sont annoncées depuis plusieurs années. Même si les revenus publicitaires radiophoniques stagnent, « les marges de profits restent substantielles », soutient M. Charlton. L’avenir de la radio n’est donc pas aussi sombre que d’autres médias, notamment dû au fait que les gens écoutent majoritairement la radio lors de leurs déplacements en voiture.
À court terme, Québecor ne s’attend probablement pas à ce que son produit soit rentable. Par contre, QUB Radio intègre déjà de la publicité dans sa grille horaire quotidienne, même si c’est majoritairement de l’autopromotion. « C’est une bonne stratégie de montrer à quoi ça ressemble et de faire en sorte que d’éventuels commanditaires externes n’aient pas l’impression de dénaturer le produit en y insérant leurs publicités », affirme Sébastien Charlton.
« C’est sûr qu’il y a des enjeux soulevés par la propriété du média quand il y a la même concentration. Mais présentement, on n’a pas de trace comme quoi ils voudraient faire autre chose que du contenu rentable », ajoute-t-il.
La convergence
Dans les semaines précédant le lancement de QUB Radio, plusieurs têtes d’affiche de Québecor se sont vu refuser de participer à des émissions de radio d’entreprises concurrentes alors qu’ils le faisaient depuis longtemps. C’est le cas de Richard Martineau et de Jonathan Trudeau, qui ont leurs émissions respectives dans la grille horaire de QUB Radio. Luc Lavoie, quant à lui, a accepté un poste chez Cogeco. « La question soulevée c’est à quel point ils empêchent des intervenants qui seraient pertinents sur la place publique de se retrouver ailleurs pour commenter », soutient le coordonnateur aux opérations du Centre d’études sur les médias. Les têtes d’affiche de QUB radio font également appel à des collaborateurs de Québecor pour analyser et commenter les dossiers d’actualité.
Même s’ils font appel à des ressources internes, il y a une diversité de points de vue présentés aux auditeurs. « Il y a des radios qui font appel à des chroniqueurs qui ont des points de vue ciblés. Pour le moment, on n’a pas l’impression que QUB Radio est là pour défendre un point de vue donné. Le jour où ils décident que c’est un point de vue unique, là ça fait en sorte que des gens n’auront accès à rien d’autre. Mais il y a de la variété pour le moment », estime Sébastien Charlton.