L’ouvrage intitulé Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire a fait couler beaucoup d’encre depuis son lancement, le 26 février dernier. Son auteur, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a subi les foudres des syndicats d’enseignants, alors que certaines de ses propositions ont été vivement critiquées.
Le ministre expose d’abord qu’il considère la profession d’enseignant comme étant « à part des autres », en raison de sa mission. Il dit d’ailleurs vouloir assister à une plus grande valorisation de celle qui a rencontré de multiples enjeux depuis quelques années déjà.
Il souhaite accorder une plus grande importance à cette tâche qu’il a qualifiée de « noble », afin qu’elle soit finalement considérée comme la plus importante de la société. Lire, écrire et connaître sont pour le ministre les bases à jeter par tous en vue d’atteindre la réussite des élèves, et ce, dès leur plus jeune âge. Pour ce faire, il affirme que « les syndicats devront faire preuve d’ouverture et engager une discussion franche sur les meilleures façons de procéder à l’évaluation continue des enseignants, afin d’assurer le maintien des plus hautes normes d’excellence. »
Réactions en chaîne
Ils ont été plusieurs à reprocher à Sébastien Proulx son désengagement face à l’éducation au début de son mandat, sa méconnaissance de ce qui se passe réellement sur le terrain et son manque de consultation envers les enseignants pour la publication de ses réflexions. Il écrit, en référence aux instances syndicales : « Force est de constater que notre société compte plus de gardiens du statu quo que d’accélérateurs de changements. »
Alors que le livre était attendu de pied ferme, Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a répondu en encourageant plutôt la discussion quant à l’autonomie et à la rémunération des enseignants québécois. Selon une étude récemment menée par Statistique Canada, ces derniers perçoivent, en effet, les salaires les moins élevés au pays. Ainsi, elle reproche au ministre de sous-entendre que les difficultés rencontrées par la profession sont dues au manque de formation chez les enseignants, tout en faisant abstraction aux coupes budgétaires qui atteignent un milliard de dollars en éducation.
De son côté, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) y a été d’un communiqué de presse où on exposait les raisons pour lesquelles les enseignants ne s’adonneraient pas à la lecture du livre de Sébastien Proulx. « Ils seront en arrêt de travail, temporaire ou prolongé, pour épuisement professionnel […] », en raison de l’alourdissement des tâches à accomplir et du nombre croissant d’élèves ayant des besoins particuliers, notamment.
À l’émission La Joute, Bernard Drainville et Luc Lavoie se sont montrés suspicieux face à l’idée du parti libéral d’autoriser la publication de ce livre, faisant allusion à la proximité temporelle avec les prochaines élections provinciales. Pour les analystes, il s’agirait d’une opportunité créée par M. Proulx afin d’affirmer son leadership au sein de l’équipe de Philippe Couillard, voire de lui succéder au titre de chef du parti.
Patrice Blackburn, enseignant en monde contemporain au secondaire, a accueilli avec vigilance les propositions du ministre. « Les actions du gouvernement par rapport au discours du ministre ne vont pas ensemble du tout, même si depuis un an, il y a eu un réinvestissement dans l’éducation. Il ne faut pas se leurrer, c’est de la politique : on lance de belles promesses, mais ça sonne beaucoup plus comme un projet électoral que comme un projet fixe. On est un peu désabusés par rapport aux promesses en éducation », a expliqué celui qui occupe son poste d’enseignant depuis maintenant 24 ans.
Des idées simples et peu coûteuses
Création d’un ordre professionnel, formation de 2e cycle universitaire obligatoire, évaluation du corps enseignant pour favoriser la rétention du personnel font notamment partie des maintes solutions qu’il expose pour procéder à une amélioration des conditions de travail.
L’enseignant avance que sur le terrain, certaines des propositions faites par le ministre s’avèreraient sans succès, pour pallier aux bouleversements majeurs que rencontre la profession. S’il considère que la mise sur pied d’un ordre professionnel pourrait bénéficier aux enseignants dans l’encadrement de leurs pratiques, il se positionne toutefois contre la maîtrise universitaire obligatoire :
« Actuellement, on est plus des techniciens que des professionnels ; on nous dirige et on nous dit quoi faire. Au moins, avec l’ordre professionnel, on serait considérés comme tels et on aurait la reconnaissance qui va avec. Par rapport à la maîtrise obligatoire, on n’a pas nécessairement besoin de plus d’études pour être capables d’enseigner. Être un professionnel de la matière, ça c’est important ! Qu’on nous offre plus de cours de spécialité et moins de cours de pédagogie. »
Par ailleurs, il s’encourage « qu’on ait un ministre qui a des idées, parce que ça fait changement que d’avoir juste des fonctionnaires qui ont des idées », a-t-il ajouté avec optimisme.