À l’aube du renouvellement de l’attestation d’assainissement de la papetière White Birch, située dans le quartier Limoilou, le député solidaire Sol Zanetti, accompagné de représentant.es des conseils de quartier de la basse-ville et du groupe citoyen Zéro déchet, tenait un point de presse ce mercredi 14 juin concernant la (piètre) qualité de l’air dans cet arrondissement de la ville de Québec. Suite au plus récent rapport de la Direction de santé publique (DSP), Mon environnement ma santé (MEMS), ainsi qu’au rapport scientifique Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques (GTCA), on appelle à des mesures supplémentaires et plus strictes contre la pollution de l’air.
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multiplateforme
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On ne peut pas le nier: la White Birch, sans surprise, a évidemment son rôle à jouer en ce qui concerne la qualité de l’air de Limoilou – peut-on encore parler de qualité ? le terme juste, dans ce cas, devrait effectivement être « pollution ». Si le bruit, l’odeur et la fumée de l’usine à papier se font omniprésentes – et ce fut le cas lors de la conférence de presse -, elles ne représentent que la pointe de l’iceberg, considérant d’ailleurs le fait que plusieurs des polluants rejetés dans l’air ne fassent l’objet d’aucune forme de réglementation ou ne soient tout simplement pas régis par des normes quelconques. Le député de Jean-Lesage cite en ce sens les données de l’Inventaire national des rejets de polluants (l’INRP) qui permettent de comparer le rejet de polluants dans l’air de la White Birch à ceux d’un incinérateur. Ce qu’on remarque, selon ce rapport, c’est que la papetière rejette 76 fois plus de composés organiques volatils, 5 fois plus de monoxyde de carbone et 3 tonnes de particules PM10 de plus que l’incinérateur.
Selon le rapport Mon environnement ma santé, « L’exposition à long terme aux particules fines contribuerait à une part significative des problèmes de santé cardiovasculaire et respiratoire des résidents des quartiers LVBV [Limoilou-Vanier-Basse-Ville], et plus largement des résidents de la ville de Québec.» (DSP, 2023). On y explique également que « comme c’est la pollution totale qui a un impact sur la santé plutôt que les sources spécifiques, le projet MEMS visait à caractériser les niveaux totaux de contaminants. Les résultats fournissent toutefois des indices sur la provenance de certains polluants. De façon générale, il est reconnu qu’en milieu urbain, les particules fines proviennent principalement de la combustion, soit du chauffage au bois, des transports et des industries. […] Une zone de Limoilou semble aussi plus affectée par les émissions de dioxyde d’azote provenant des industries. La part spécifique de l’exposition totale attribuable aux industries reste à déterminer. » (DSP 2023). En effet, la White Birch rejetterait à elle seule 75 tonnes de dioxyde d’azote, qui s’ajoutent aux 248 tonnes de l’incinérateur. Cette quantité produite par la papetière serait l’équivalent des émissions de 12 744 voitures roulant 10 000 kilomètre pendant une année. Mais quelle différence entre cette industrie et le camionnage, par exemple ? C’est que, dans certains cas, les deux se retrouvent intimmement liés, ce dont témoigne le nombre de camions entrant et sortant de la White Birch le temps de la conférence de presse uniquement.
Il y a là diverses données qui, selon les expert.es, ont de quoi inquiéter. En plus d’avoir des effets nuisibles sur l’environnement, cette pollution – que l’on pourrait assurément diminuer, rappelons-le – affecte aussi directement la santé et la qualité de vie des résidant.es du quartier, de toute une communauté, et c’est d’autant plus vrai lorsque l’on prend en compte le cumul des polluants et de l’exposition quotidienne et prolongée. On note des problèmes respiratoires et cardiovasculaires ainsi qu’une incidence sur le système immunitaire, notamment.
Quant basse-ville rime encore avec basse qualité
Aurions-nous ces mêmes débats, cette même résistance si la White Birch était située en haute-ville, à Cap-Rouge ou à Sillery, par exemple ? Probablement pas. De fait, les citoyen.nes de Cap-Rouge avaient réussi, en 2019, à faire cesser les activités de l’usine de peinture Anacolor en raison de ses fortes émanations dans le quartier qui nuisaient à la qualité de vie de ses résidant.es, l’usine se trouvant justement en pleine zone résidentielle. Iels avaient d’ailleurs reçu une certaine somme d’indemnisation suite au litige entre les citoyen.nes et Anacolor.
Il semblerait que la basse-ville soit encore à ce jour relayée aux citoyen.nes « de seconde classe », dont on ne semble pas suffisamment se soucier de la qualité de vie, qui se retrouve directement impactée par la papetière, son odeur et ses émanations . Dans son article « Ce que l’on respire en basse-ville » publié en mai 2022, mon collègue Ludovic Dufour abordait un dossier semblable, cette fois en lien avec le taux de nickel dans l’air, mais touchant toujours la qualité de l’air de Limoilou : « Martial Van Neste, de la Table citoyenne Littoral Est, toujours dans une publication du Soleil expose une autre statistique préoccupante : l’espérance de vie de la population des quartiers de la basse-ville est de 6 ans plus courts que celle des autres quartiers de Québec. Il désigne comme coupable le nickel. Bien que Monsieur Legault assure que sa décision protège la santé des citoyen.ne.s, ses motivations sont par-dessus tout économiques. Il faut savoir que le nickel est un composant important dans la fabrication des batteries, un secteur en pleine croissance suite à la montée en popularité des voitures électriques. Un article de Radio-Canada nous apprend que les lobbys miniers travaillent depuis une dizaine d’années pour que la règlementation soit revue. On y expose également les craintes du ministère de l’Économie et de l’Innovation de voir les activités minières être réduites. » (Dufour, 2022).
Comme quoi les intérêts économiques priment toujours sur la qualité de vie des citoyen.nes de la ville de Québec, les conseils de quartier soulignant justement l’historique ouvrier de Limoilou et de la basse-ville, secteur se voyant alors presque coincé dans une fatalité qui n’est dans les faits pas immuable. On peut et on doit exiger que l’on soit digne d’intérêt, pris.e au sérieux, pris.e en considération, ce que cherchent à faire valoir Sol Zanetti, les conseils de quartier et Zéro déchet avec leurs renvendications quant à la White Birch. La guéguerre haute-ville / basse-ville, et surtout la supériorité et l’élitisme de la bourgeoisie de l’un sur l’autre c’est passé date. Les citoyen.nes méritent mieux que d’être traité.es moindrement, ce dont fait état le dernier rapport de la Direction de santé publique : « La santé doit être centrale et considérée comme une priorité lorsqu’il est question d’enjeux concernant la qualité de l’air. Cette intégration de la santé devrait être une priorité d’action pour toutes les parties prenantes. » (DSP, 2023). On ajoute d’ailleurs qu’il pourrait y avoir d’autres impacts n’ayant pas encore été étudiés, bien que préoccupants.
Des exigeances plus strictes pour la suite
Pour pallier à la diminution de la qualité de l’air dans Limoilou, Sol Zanetti ainsi que les conseils de quartier font front commun, ayant établi diverses renvendications en vue du renouvellement de l’attestation d’assainissement, la présente arrivant à échéance en juillet 2023. Ce que l’on souhaite, d’abord et avant tout, c’est que la prochaine attestation, d’une durée de 5 ans, inclue des obligations et mesures supplémentaires afin de réduire ces émissions polluantes et nuisibles. Concrètement, les demandes de différents palliers politiques s’articulent en trois grandes orientations. D’abord, l’établissement de normes pour tous les polluants que rejette la papietère White Birch dans l’air, comme ce n’est actuellement pas le cas. D’autres revendications visent quant à elle la surveillance des émissions atmosphérique et un échantillonnage en continu, et ce, du côté des polluants pour lesquels de telles mesures sont possibles et réalisables. Pour terminer, on demande également la mise en place de mesures d’atténuations afin de réduire la quantité de polluants rejettés dans l’air par la White Birch, en améliorant le système antipollution, par exemple. D’autres mesures pourraient s’appliquer si on les jugerait pertinentes. Ainsi, tous les partis présents lors de la conférence de presse en appelle au gouvernement afin d’imposer des mesures plus sévères, et ce, dans un souci de respect envers les populations concernées par la polution de l’air de la White Birch, leur santé et et leur qualité de vie, des changements étant certainement réalistes, possibles et souhaitables.
Références
Direction de santé publique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale. (2023). Faits saillants et recommandations du projet « Mon environnement, ma santé ». https://www.ciusss-capitalenationale.gouv.qc.ca/sites/d8/files/docs/SantePublique/Recommandations-2023.pdf
Ludovic Dufour. (2022). Ce qu’on respire en basse-ville, Impact Campus, http://impactcampus.ca/actualites/lon-respire-basse-ville/