Depuis le 18 mai dernier, et ce, jusqu’au 14 avril de l’année prochaine, le Musée de la civilisation présente l’exposition Unique en son genre. Exposition qui, tristement sans surprises, s’est attiré quelques jets de venin.
Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef
Au lendemain du lancement qui comptait prises de paroles et performances, quelques chroniqueurs qui n’ont, dans leur vocabulaire, que les termes « idéologies » et « wokes » s’étaient attaqués à l’intégrité morale de nos pauvres enfants qui avaient assisté à ce terrible spectacle. Le média Rebel News avait également réalisé un reportage de piètre qualité journalistique, mais qui, malgré cela, avait légèrement circulé.
Quelques semaines plus tard s’organisait une manifestation « anti propagande LGBT » devant avoir lieu le 8 juillet devant le Musée de la civilisation. La manifestation comptait, au plus haut de sa popularité, une quinzaine de participant.es et une centaine d’intéressé.es. L’organisateur, Lucas Boucher-Thériault, un nazi autoproclamé, avait composé comme présentation de l’événement un message pour le moins haineux et évidemment fautif sur le plan argumentaire alors qu’il réclamait tantôt le retour de la science (qui est pourtant bien présente dans l’exposition) et plus tard, sous un commentaire d’un activiste LGBTQIA2+, remettait en question l’existence même de l’Holocauste. Rapidement, l’un des célèbres participants de la manifestation, François Amalega-Bitondo, connu pour ses revendications complotistes et antivaccins, s’est dissocié de l’événement.
Des jours durant, Boucher-Thériault a continué à publier des consignes pour la manifestation jusqu’à finalement annoncer qu’il ne pourrait pas y participer d’abord parce qu’il « n’avait pas de lift », puis parce qu’il y aurait sur place une contre-manifestation anti-facho. Il encourageait toutefois « les autres » à participer.
Où sont les autres ?
En réponse à la violence que représentait une manifestation anti-LGBTQIA2+, plusieurs associations pour la diversité de genre, raciale et féministes ont fait front commun pour organiser une action de visibilité. Ambiance festive, collations et breuvages étaient annoncés sur la page de l’événement qui comptait plus d’une centaine de participant.es et près de 500 intéressé.es. Une présence policière était également prévue compte tenu la nature des deux rassemblements.
Arrivées sur les lieux quelques minutes après le début du rassemblement festif, ma collègue Frédérik et moi constatons la présence d’une dizaine de policier.ères, d’une centaine de représentant.es de la communauté LGBTQIA2+ et d’allié.es, aucun manifestant anti-LGBTQIA2+. Après quelques discours et invitations à prendre la parole, de la musique est mise, de l’eau et des jus sont distribués. On propose également à celleux qui préfèreraient ne pas être reconnu.es de prendre un masque au besoin. Une heure plus tard, toujours aucune trace de manifestants anti-LGBTQIA2+.
Mais cette absence me rend perplexe. D’un côté, je ne suis pas surprise qu’aucun d’entre eux ne se soit présenté, puisque visiblement, ils n’ont aucune capacité à se mobiliser et surtout, quoiqu’on en dise, ils sont si peu, si peu nombreux, c’est seulement, pour reprendre des mots entendus aujourd’hui, qu’ils parlent tellement fort qu’ils donnent l’impression d’être beaucoup plus. Mais d’un autre côté, même s’ils sont peu, ils ne sont pas complètement seuls et bénéficient d’espace pour se le faire et nous le faire savoir. Et le fait est que même s’il n’y en avait qu’un, ce serait terrifiant. Parce que combien d’entre-nous aujourd’hui n’ont pas vu leur esprit être traversé quelques instants par cette pensée envahissante, par ce et si c’était aujourd’hui qu’il ou ils tiraient dans le tas. Et c’est de plus en plus comme ça, à chaque événement, à chaque regroupement, et si un de ces fous passait à l’acte, parce que si ça arrivait, personne ne serait surpris parmi nous, ça fait un moment qu’on lève des drapeaux, qu’on dit que ces gens-là sont dangereux, que ce n’est pas une question de liberté d’expression, mais d’intégrité physique et morale.
Mais malgré ces pensées intrusives qui se taillent des places de choix dans nos têtes sous le soleil brûlant de juillet, les regroupements et les événements continuent, se multiplient et on peut lire sur les pancartes Notre joie queer > votre haine facho et Résister pour mieux exister.