Du 11 au 14 juin dernier, les huit finalistes de l’édition 2018 de Destination Chanson Fleuve ont investi le studio LARC de l’Université Laval afin de prendre part à une expérience tant pédagogique que créative. Accompagnés par le chef musical du Festival en chanson de Petite-Vallée, Jean-Sébastien Fournier, ils ont pu profiter de ces installations professionnelles de calibre international pour enregistrer, en huit sessions, des compositions de leur cru suite à un travail d’orchestration collaboratif effectué avec quatre étudiants ou anciens étudiants du baccalauréat en musique.
Les finalistes de cette deuxième édition, organisée entre autres par l’équipe derrière le populaire événement tenu chaque année à Petite-Vallée, encore sous le choc des incendies successifs du Théâtre de la Vieille Forge et de la Maison Lebreux, s’arrêtaient à Québec dans leur parcours collaboratif et expérimental débuté le 30 mai et qui culminera le 7 juillet dans le cadre du festival gaspésien.
La cohorte 2018 est composée des auteurs-compositeurs-interprètes Maxime Auguste, Jeanne Côté, Alicia Deschênes, Pierre-Hervé Goulet, Marion Cousineau, Émilie Landry, Nicolas Gémus et d’Adélys. Chacun d’eux s’est présenté au studio LARC, situé au sous-sol du pavillon Louis-Jacques-Casault, avec une chanson de son répertoire qui allait être arrangée, lors de courtes sessions de trois heures avec le quatuor de musiciens lavallois, Jean-Sébastien Fournier aux commandes. Un défi créatif, selon les finalistes rencontrés, mais également de communication efficace. « Ce qui est intéressant, affirme Adélys, c’est que sur toutes les chansons que l’on a jouées, chacun a vraiment son univers musical et chacun suggère des choses comme il l’entend, selon les profils et l’expérience de studio. »
« Ils nous ont vraiment dit que ce serait un laboratoire pour travailler des chansons jamais arrangées et qu’eux-mêmes ne connaissaient pas, ajoute pour sa part Alicia Deschênes. J’ai trouvé ça super intéressant. J’ai déjà fait du studio, mais on enregistrait les choses séparément, alors que là, c’est plus en gang. On construit quelque chose ensemble. »
Un langage à développer
Le chef musical Fournier, de son côté, met beaucoup l’accent sur l’aspect pédagogique de l’expérience offerte aux finalistes comme aux musiciens, une manière de communiquer entre artisans dans un contexte professionnel. Le fruit de ces sessions n’a pas pour but d’être commercialisé sous forme d’album, le studio avec ses atouts et ses contraintes n’étant en fait qu’un prétexte à la rencontre.
« C’est une façon de développer du langage, avance-t-il. Ça ressemble à un stage. Ça va arriver souvent dans la vie des musiciens, quand ils vont sortir de l’école, de rencontrer des auteurs-compositeurs et d’avoir à les servir, à leur donner ce dont ils ont besoin. »
M. Fournier affirme ne pas avoir été des discussions à l’origine de cette association entre son organisation et la Faculté de musique de l’Université Laval ainsi que l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM – ULaval), et que ces derniers avaient dès le départ vu tout le potentiel qu’offrait cette activité. D’une part, les finalistes, qui ont également des ateliers et des résidences de créations en plus de leurs nombreux concerts communs, consolident leur expérience de studio, d’autre part, le quatuor de musiciens rivalise de créativité afin de servir les œuvres originales qui leur sont proposées. « On a fait exprès, en fait, de prendre des chansons qui étaient les plus vierges possible pour qu’il n’y ait pas de préconceptions, qu’on l’on n’essaie pas de recréer un moment qui a déjà été créé, explique M. Fournier. Ça laisse la chance au monde d’être à leur meilleur et de proposer des choses pertinentes. »
À la rencontre de différents styles musicaux
En début d’après-midi de leur deuxième journée en action au LARC, les musiciens lavallois semblent satisfaits du projet en cours et de la place qui leur y était accordée. « Ça se passe bien, lance Félix Dubé, pianiste et claviériste. Je me sens comme si on faisait partie du processus, nos idées sont vraiment prises en considération, on participe ensemble en équipe et on essaie des choses. On y va un peu à tâtons, mais on sait avec le résultat final. »
Jean-Michel Viel, à la guitare pour les sessions d’enregistrement, abonde en ce sens, poursuivant en affirmant qu’il s’agit bien là de la base du travail de musicien de studio et que leur formation les a déjà bien préparés à cette réalité. « Avec notre parcours, on est bien pour conseiller comment utiliser chacun des instruments, pour qu’ils puissent les utiliser à bon escient. »
« En studio, on a eu beaucoup d’expériences, mais on ne fait pas souvent du folk ou de la pop, nuance Loïc Du Sablon, batteur et percussionniste, c’est surtout du jazz habituellement. Dans mon cas, c’est aussi un peu une première d’enregistrer pour des artistes émergents. »
Cette obligation de s’adapter à des styles éloignés de leur exercice habituel, en plus d’élargir la palette des musiciens, s’est aussi faite sentir dans leur manière de travailler ensemble. « Il y a beaucoup d’impro, mais c’est pas le même genre d’impro que l’on apprend à l’école, commente Martin Dubé, contrebassiste du quatuor. C’est de l’impro de texture et de feeling, plus que des notes ou quelque chose de bien cartésien. »