Réunissant plus de 35 000 personnes de tous les milieux, la 14e édition du Forum social mondial s’est déroulée à Montréal cette année. S’étant clôt le 14 août dernier, ce colloque international a pour principale mission de promouvoir des visions altermondialistes et différentes du système actuel. Certains étudiants de l’Université Laval y étaient et Impact Campus en a profité pour les rencontrer.
Malgré une forte présence étudiante, l’évènement témoigne chaque année d’une diversité spectaculaire des générations et des tranches d’âges. Les débats y sont ainsi plus ouverts et démontrent un amalgame avantageux des mentalités. « C’est intéressant de voir ça, parce que les cercles militants et les associations de l’Université Laval ne se mélangent pas de la sorte, ils sont vieux ou jeunes, raisonne Joé Habel, étudiant à la maitrise en physique. Il y a des gens de partout dans le monde là-bas ».
Or, le campus offrirait lui aussi ces espaces de délibération collective, à plus petite envergure. C’est du moins ce qu’estime Serge Gagnon, gradué en anthropologie à l’UL. « Je pense aux activités organisées par Développement et Paix ou à Amnistie International, qui sont ouvertes et propices aux rencontres et à la discussion », poursuit-il. L’ancien étudiant aborde également le groupe Cinéma Politica ayant pour but, sur le campus, de discuter sur des enjeux politiques divers. Le tout dans « un milieu ouvert à la prise de parole citoyenne, engagée, ouverte sur l’ici et l’ailleurs », peut-on lire sur le site web du comité.
Un Forum fort pertinent pour le corps étudiant
Conférences, tables rondes, ateliers et assemblées autogérées à la tonne : rien ne manque au programme nourri du FSM. Peu après la crise du printemps érable ayant propulsé l’esprit du militantisme jeunesse, un tel contexte de réflexion se révèle très formateur pour les universitaires. « Ils n’ont que des avantages à participer, étant donné que la rencontre avec les gens du sud, qui nous parlent des problématiques de leurs pays, a beaucoup plus d’impact sur la pensée critique d’un étudiant, explique Audrey Thibodeau-Laprise, diplômée en droit à Laval. C’est l’évènement le plus concret qui soit ».
Très impliqués au cours de leur parcours scolaire, de nombreux jeunes délaissent l’activisme après les études pour se consacrer entièrement au travail. Toutefois, une combinaison de ces deux activités est possible, et même souhaitable, selon Joé Habel. «Ça ne doit pas demeurer seulement étudiant, car malheureusement ce l’est souvent, mais ça doit grandir en autre chose, note-t-il. Ces professionnels du FSM démontrent que c’est faisable ». L’homme de 24 ans considère que le savoir s’étant diffusé à Montréal du 9 au 14 août illustre ce en quoi la transition du militantisme vers l’âge adulte est essentielle.
Se déroulant pour la première fois de son histoire en Amérique du Nord dans un pays développé, le Forum social mondial a connu certaines ratées, notamment sur le plan des visas. Plusieurs d’entre eux ayant été refusés aux douanes, certains sudistes n’ont pas pu se rendre à Montréal. Malgré tout, Serge Gagnon dresse un bilan positif de l’évènement. «Au niveau information, ça demeure extrêmement facile d’accès et direct, bref c’est une chance d’avoir eu ça à Montréal, exprime le co-trésorier au conseil diocésain de Québec, Développement et Paix. Une véritable école populaire, pertinente et enrichissante ».
S’ouvrir à la collaboration
Plus qu’un simple regroupement de conférenciers, le Forum social mondial est le symbole de la mondialisation des mentalités en matière d’environnement, de droit international ou même d’économie. Aujourd’hui avocate fiscaliste chez Raymond Chabot, Audrey Thibodeau-Laprise souligne d’ailleurs les bénéfices de ce partage entre les nations. «Cette belle diversité en vient à ouvrir les perceptions, lance-t-elle. C’est bon d’avoir des points de vue de partout dans le monde et d’échanger des idées par la suite ».
Sur le campus, les associations étudiantes travaillent rarement ensemble à l’année longue sur un projet, principalement parce qu’elles ne se connaissent pas et qu’il y a énormément de roulement, selon Joé Habel. Ce dernier estime que certains groupes de l’UL pourraient prendre exemple sur le FSM en unissant leurs forces. « Là-bas, les conférences sont souvent organisées par plusieurs représentants et plusieurs organisations, explique-t-il. C’est quelque chose qu’on devrait voir plus souvent sur le campus : des comités qui font équipe afin de présenter de plus grands projets ».
Promotion quelque peu déficiente ?
Peu diffusé sur le campus, le concept du Forum social mondial aurait pourtant intéressé plusieurs lavallois engagés qui n’ont jamais été mis au courant de l’évènement. Celui-ci aurait pu être mieux publicisé, mais son caractère autogéré impose de s’y intéresser sans pression, selon Joé Habel. « Oui, ça aurait dû faire plus jaser, mais il faut s’y impliquer soi-même après tout, poursuit-il. C’est un échec, ça aurait pris des leaders au courant pour motiver les jeunes manifestants de 2012 à se déplacer ».
Questionné sur la possibilité de voir le Forum un jour à Québec, Serge Gagnon demeure réaliste quant aux progrès qu’aurait à faire la Ville, notamment sur le plan du transport. « Ça nécessiterait une très bonne organisation des lieux et du réseau de transport en commun, conclut-il. On parle de l’implantation de navettes ». L’évènement ne reviendrait cependant pas dans l’hémisphère nord d’ici quelques années, selon plusieurs, à la suite des quelques problèmes d’organisation et de l’instabilité des frontières nord-sud.