Pour une 7e année consécutive, quatre caricaturistes étaient rassemblés le temps de quelques heures pour faire leur revue de l’année 2015… en caricatures !
Une centaine de personnes ont répondu à l’appel de la section Québec de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) afin de se remémorer les moments forts de l’année.
Les oreilles et les yeux grands ouverts, les amateurs ont pu rire avec André-Philippe Côté (Le Soleil), YGreck (Journal de Québec), Garnotte (Le Devoir) et Philippe Girard (Riton et Rita, Radio-Canada Québec). Voici les moments forts de l’actualité locale et internationale à travers les yeux (et les crayons !) de ces caricaturistes.
Janvier
Un incontournable : Charlie Hebdo. Un événement de taille pour commencer l’année, et qui a bien sonné les caricaturistes. Pour Garnotte, l’onde de choc causée par l’attentat a teinté tout l’hiver, le printemps et même l’année entière. « On s’est requestionné sur la liberté d’expression », mentionne-t-il. À travers l’un de ses dessins, André-Philippe Côté souhaite quant à lui passer le message que la liberté d’expression cherche constamment à ne pas respecter le cadre qui lui est imposé.
Dessiner Mahomet ou ne pas le dessiner ? Cette question, tous les caricaturistes avouent se l’être posée. Seul un d’entre eux a osé traduire en caricature l’image du prophète : Garnotte. « Je dois être solidaire avec les gars », s’est-il dit à ce moment.
Février
Pierre Karl Péladeau, député du Parti québécois, contrôle-t-il encore Québécor ? Selon Côté, peut-être que oui, indirectement. Dans une image en deux temps, on voit PKP tenir un gros chien, qui représente l’empire médiatique, en laisse. Juste dessous, PKP tire un homme, qui tient ce même chien en laisse… Un dessin simple, « pour qu’[il] parle de lui-même », souligne le caricaturiste, c’est ce qui en fait sa richesse.
Mars
Le chouchou des Québécois, Joël Legendre, est la cible de YGreck, alors que la saga Legendre bat son plein. Dans un dessin qui suscite le rire du public, on voit une statue de l’animateur-vedette qui urine dans une fontaine… dans un parc homonyme.
Si les caricaturistes s’attirent souvent les foudres des internautes sur les médias sociaux, Philippe Girard avoue qu’il garde une distance prudente avec eux. « On dirait que personne ne se parle ! », souligne-t-il. YGreck n’a pas fait exception avec cette caricature.
Avril
Il a fait froid en avril ! Côté n’a pas manqué de nous le rappeler avec sa caricature qui a fait un tabac. Bon matin chérie, il fait beau ! Poisson d’avril… on gèle dehors ! « La météo est un incontournable », énonce le caricaturiste du Soleil.
Mai
Dialogue avec l’histoire, la célèbre (malgré elle) œuvre d’art à cubes blancs de la Place de Paris, n’a pas échappé à Philippe Girard. Détruite à coups de pelle mécanique, l’œuvre a soulevé les passions en dehors de la Ville de Québec. Côté n’a pas pu s’empêcher de le dire au grand jour : « Elle était laide ! »
Juin
Jacques Parizeau s’éteint. S’étant promis de devenir un caricaturiste « laïque », Côté se résout, bien malgré lui, à dessiner Parizeau au ciel puisque c’est un « symbole fort » pour illustrer la mort. Accueilli dans l’au-delà par un ange qui remet des auréoles à ceux qui y font leur entrée, Parizeau, la mine basse, répond à l’ange qu’il a déjà la sienne… Le logo du Parti québécois fait foi d’auréole pour celui qui a donné sa vie à la cause souverainiste.
Juillet
Juillet est un mois tranquille en actualité et en caricature. Tout va au ralenti, explique YGreck. Malgré tout, le Festival d’été retient l’attention du créateur de Riton et Rita, qui souligne l’aspect baby-boomer de la programmation : Rolling Stones, Deep Purple… « Pas de quoi intéresser mon adolescente ! », s’exclame-t-il.
Août
Gilles Duceppe annonce son retour à la tête du Bloc québécois. La campagne électorale fédérale s’amorce et l’effet Duceppe, dans les sondages, ne semble pas se manifester réellement. Côté s’est fait plaisir : le chef, de dos et en tenue d’Adam, s’expose devant sa femme qui ronfle dans le lit ! « On a senti assez tôt que ça ne levait pas ! », rigole le caricaturiste du Soleil. Hilarité dans la foule.
Septembre
Mulcair et le NPD sont en chute libre dans les sondages alors que la position du parti est floue sur la question du niqab. Garnotte illustre avec brio la situation, alors qu’on voit le chef néodémocrate essuyer ses larmes sur le bas du niqab d’une femme.
Le monde occidental est aussi choqué par la photo du petit Aylan, le corps gisant sur une plage turque. En pleine crise des réfugiés, « les gens étaient tellement à fleur de peau que ça a suscité des réactions », commente Côté. Il a tenu, par son dessin qui a soulevé les passions sur le web, dénoncer l’indifférence de l’Europe.
Octobre
Mois de scrutin au Canada alors que la crise du niqab prend toute la place dans le débat public. Dans ce qu’il qualifie du « dessin le plus simple qu’il n’ait jamais fait », André-Philippe Côté souligne habilement l’omniprésence de l’enjeu. On y voit une urne dont l’ombre projetée au sol représente un niqab.
L’histoire des sacs de patates ne pouvaient pas échapper à Garnotte. « Je m’intègre », s’exclame une femme qui porte le niqab et un sac de patates à une autre seulement revêtue de son habit religieux.
Novembre
Flushgate. Montréal déverse des milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. Avec simplicité et force, le caricaturiste du Devoir illustre un poisson, l’air découragé, qui porte un masque de plongée connecté à une bouteille d’eau saine qu’il traîne sur son dos. Autour de lui, l’eau du Saint-Laurent, brunâtre et remplie de résidus… Appétissant ? Pas pour le poisson du moins.
De plus en plus d’autocensure ?
L’actualité force la main du caricaturiste, explique Philippe Girard. Selon son collègue du Soleil, André-Philippe Côté, même si les attentats de Charlie Hebdo ont secoué la cage, « le caricaturiste peut parler de tout, bien qu’il faille trouver un angle approprié et une façon d’en parler ». Les caricaturistes ne seraient pas, malgré eux, contraints d’aborder certains sujets tabou.
De la caricature à Radio-Canada ?
La caricature est souvent associée à la ligne éditoriale du journal. Dans ce cas, faire de la caricature à Radio-Canada pourrait en faire sourciller plus d’un. « C’est plus simple qu’on le pense, défend Philippe Girard. Au départ, j’avais l’impression que Radio-Canada était un espace de création très fermé et balisé », mais finalement, l’ancien bédéiste ne s’étonne pas de la situation. L’humour a une longue tradition à la société d’État, relate-t-il. Riton et Rita est une caricature uniquement produite au bureau de Radio-Canada à Québec.