Les sondages mènent-ils la politique ? Thierry Giasson est catégorique

Les sondages demeurent une partie intégrante de la vie politique au Québec, comme ailleurs en Occident. Or, cet outil aurait des défauts qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. C’est du moins ce qu’affirme le professeur de sciences politiques à l’Université Laval, Thierry Giasson.

Invité à un débat organisé par le quotidien Le Devoir au Musée de l’Amérique francophone, l’enseignant n’a pas hésité à lancer les premières flèches concernant les graves lacunes des sondages en politique.

« Les sondages mènent la politique, et ils les mènent de différentes façons, déclare-t-il. Certaines sont évidentes par la médiatisation qu’on en fait, spécialement en période électorale, et ça mène la politique par l’utilisation constante que les partis politiques font de ces outils-là pour jauger l’état de l’opinion publique par rapport à leurs actions, mais aussi pour préparer leur programme et leur campagne électorale. Malheureusement, les données utilisées dans les sondages sont souvent erronées et donc nuisibles. »

M. Giasson a ainsi fortement critiqué la méthodologie utilisée par les firmes de sondages de nos jours. Il a notamment ciblé l’utilisation des panels web pour sélectionner une cohorte de candidats, qui ne représentent pas forcément les tendances réelles sur la scène politique.

Il a poursuivi son argumentaire en affirmant qu’aujourd’hui, il n’y a que 10% des gens qui répondent aux sondages politiques, ce qui représente un échantillon trop faible pour bien guider la population dans ses décisions lors d’une période électorale.

Réforme à créer

Thierry Giasson souhaiterait qu’à l’avenir, les médias indiquent toutes les spécificités méthodologiques d’un sondage, afin que la population soit davantage au courant de la validité des chiffres qui lui sont présentés. Selon lui, la marge d’erreur de certains sondages est bien plus grande que les gens peuvent l’imaginer.

« Lorsqu’une firme sondage affirme que son sondage n’a pas de marge d’erreur, dites-vous bien que la marge d’erreur est alors de 100% », lance-t-il en ce sens.

Il s’est dit en accord avec les deux représentants des maisons de sondages, Lucic Leclerc et Christian Bourque, lorsque ceux-ci ont déclaré que les sondages étaient plus près de la réalité lorsque les gens étaient interrogés par téléphone, ce qui pouvait produire un échantillon représentant jusqu’à 70% des votants.

L’ancienne ministre péquiste, Louise Beaudoin, a pour sa part indiqué que le meilleur moyen de tâter le pouls de la population envers les politiciens, c’est en allant leur parler face à face. Une affirmation que l’expert de l’UL  a immédiatement approuvée.

Les sondages ne prédisent pas l’avenir

Le Vice-Président exécutif du bureau de Montréal et associé Léger, Christian Bourque, a défendu les sondages en indiquant que ce ne sont pas des outils conçus pour lire l’avenir.

Au contraire, celui-ci a précisé que les sondages étaient même davantage utilisés pour porter un regard sur le passé.

De son côté, le chroniqueur politique au Devoir, Michel David, a mentionné que ce ne sont pas les sondages qui votent au bout du compte, mais bien les citoyens.

Des erreurs significatives

À quelques reprises durant le débat, il fut question des dénouements politiques que les sondages n’ont pas vu venir au courant des dernières années. Les exemples pleuvent : la victoire de Donald Trump aux États-Unis, le triomphe inattendu de Justin Trudeau en 2015 ou encore le Brexit.

Christian Bourque a d’ailleurs souligné que les sondages avaient vu venir, au contraire, une certaine tendance positive envers Justin Trudeau dans le dernier droit de la campagne fédérale de 2015.

Concernant le président américain, il a renchéri a déclarant que les firmes de sondages se sont trompées de peu, puisqu’ils indiquaient que Mme. Clinton allait récolter davantage de votes que M. Trump, ce qui a bien été le cas, dans les faits.

Pas assez de débats

Malgré les nombreux points de discorde qui ont été soulevés au cours de la conférence,  un élément semble avoir été approuvé à l’unanimité par tous les panellistes invités : la présence abondante des sondages est nuisible à la tenue d’un véritable débat politique.

Selon eux, l’implantation du troisième lien Québec/Lévis, la construction de l’amphithéâtre et la tenue d’un référendum sur la souveraineté ont été mis de l’avant comme des exemples de débats publics qui ont pris fin au moment où les politiciens ont obtenu une forme d’approbation chiffrée de la population grâce à la publication de sondages.

Auteur / autrice

  • Thomas Thivierge

    J'ai fait mon secondaire au Séminaire Marie-Reine du Clergé. J'ai fait mon cégep à Alma en sciences humaines. Depuis 2012, je suis en communication publique avec spécialisation en journalisme à l'Université Laval. J'ai depuis écrit pour les journaux étudiants l'Exemplaire et Impact Campus. Je suis passionné par la politique, l'histoire, le sport et le cinéma en particulier.

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