Les 5200 membres de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM qui ont adopté un mandat de grève le 13 janvier dernier ont bel et bien relancé les débats autour de la rémunération des stages en enseignement. À l’Université Laval, les efforts semblent plus forts que jamais en vue d’une éventuelle entente gouvernementale.
La Campagne de revendications et d’actions interuniversitaires pour les étudiants et étudiantes d’éducation en stage (CRAIES) milite depuis maintenant trois ans à travers le Québec. Son but : obtenir une compensation financière de 330 $ par semaine, qui serait indexée au coût de la vie pour appuyer les stagiaires en phase 4, dernière étape du baccalauréat.
De nombreux acteurs de la scène politique se sont mobilisés au cours des dernières semaines autour de cet enjeu, ouvrant la porte à de nouvelles pistes de solution. Lors de son dernier congrès, le Parti québécois a donné le mandat à son aile parlementaire d’appuyer le mouvement. La Coalition Avenir Québec a fait de même, tout comme les jeunes du Parti libéral, qui ont inscrit une proposition en ce sens.
« Ça parle beaucoup de ça en ce moment et l’enjeu fait sensiblement consensus, explique le porte-parole de la CRAIES, Émile Grenier-Robillard. J’attends des rencontres avec les députés de l’opposition, du gouvernement et avec la ministre Hélène David pour pousser ça au maximum. »
Contexte favorable
De récentes réformes à l’interne ont amené le mouvement à se transformer pour se sortir d’un certain blocage en caucus. Certaines décisions, comme le fait de revendiquer une compensation ou une rémunération, divisaient les points de vue.
« Or, c’est beaucoup plus structuré depuis cet automne, estime le vice-président aux affaires externes de l’Association des étudiants en éducation préscolaire et primaire de l’Université Laval (AÉBEPEP), Nicolas-Claude Larouche. On a changé le mode de fonctionnement du scrutin, et notre programme roule mieux. »
Le succès et la persévérance de plusieurs autres causes étudiantes propulsent également les futurs enseignants dans leur combat contre l’État québécois, qui vient d’accorder des bourses de 25 000$ aux doctorants en psychologie. « On parle beaucoup de ça oui, et aussi des résidents en médecine, qui sortent pour critiquer leurs conditions invivables de travail, souligne M. Grenier-Robillard. C’est le bon moment d’avancer sur ces sujets-là. »
« C’est inspirant de regarder ce que font les internes en psychologie, ajoute Nicolas-Claude Larouche. Ils ont réussi avec acharnement à faire valoir une cause noble à l’État. Il y a donc de l’espoir si on suit le plan, parce que c’est au niveau du public de notre côté aussi. »
La situation de l’UL
Au-delà des nombreuses campagnes de sensibilisation, force est d’admettre qu’il est temps d’agir sur une problématique vieille de plusieurs décennies, selon le vice-président aux affaires externes de l’Association des étudiants en enseignement secondaire de l’Université Laval (AEESUL), Gabriel Ouellet. « J’ai des profs qui enseignent depuis 40 ans et me disent que, quand ils étaient jeunes, on en parlait déjà, martèle-t-il. Sauf que maintenant, le coût de la vie augmente, et le salaire de l’enseignant est moins important socialement. »
Plusieurs se demandent si l’élan d’indignation lancé le 13 janvier dernier par les étudiants en grève à l’UQAM pourrait avoir un effet boule-de-neige jusqu’à Québec. Nicolas-Claude Larouche ne voit pas cette possibilité dans l’immédiat.
« En ce qui concerne l’Université Laval, je crois qu’on va s’en remettre au plan d’action établi, lance-t-il. On salue le courage de l’UQAM, puisque ça fait parler de la cause, mais en ce qui nous concerne, on va d’abord discuter pour déterminer ce que l’on fait. »
Futur du dossier
Une rencontre officielle se déroulera au cours de la fin de semaine du 11 février à Trois-Rivières. Mandaté par l’Union étudiante du Québec (UEQ) pour diriger la mobilisation étudiante de la CRAIES, le Comité de travail spécifique en éducation (CTS) animera les discussions entre les associations étudiantes présentes sur place.
« On s’est déjà assis plusieurs fois avec tout le monde, mais on va se rencontrer cette fois pour voir comment les stratégies progressent, mais aussi pour améliorer certaines choses » -Émile Grenier-Robillard, porte-parole de la CRAIES.
Pour sa part, le doyen de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, Fernand Gervais, a assuré qu’il tiendra sa réunion annuelle avec toutes les associations étudiantes de son département. « J’en saurai davantage sur leur position à cet égard à ce moment. Il me fera plaisir de faire le point », note-t-il, avant d’indiquer que cette rencontre se tiendra le 2 février sur le campus.
Nicolas-Claude Larouche rappelle que l’ensemble de la communauté étudiante devra se ranger derrière les futurs enseignants afin d’obtenir gain de cause auprès du gouvernement. « La majorité ici est au courant et nous supporte, mais il y a encore des parties de la société à informer, à sensibiliser. Même si on fait notre travail de mobilisation, ce n’est pas tout le monde qui comprend nos réalités », conclut-il.
Le stage 4 en chiffres*
20,3 : Nombre d’heures par semaine de préparation externe (rapport de stage, cahier de bord, activités pédagogique)
32 : Nombre d’heures par semaine sur le terrain (dans les écoles)
60,3 : Nombre d’heures hebdomadaires de charge par étudiant
120 : Nombre d’heures reliées aux travaux universitaires par session
*Ces chiffres ne sont que des moyennes universitaires. Ils peuvent donc varier d’un campus à l’autre. Source : CTS Éducation
Situation juridique
Au Québec, en vertu de l’article 3 (paragraphe 5) de la Loi sur les normes du travail, le salaire régulier ne s’applique pas nécessairement aux stagiaires en formation professionnelle.
Comme le futur enseignant de stage 4 n’est pas considéré comme un employé, mais comme une personne en formation, il n’est pas rémunéré sur cette base.