Depuis le 17 janvier, des centaines de milliers de Français manifestent contre un projet de loi du Parti socialiste de François Hollande, visant à légaliser le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels.
David Rémillard
Vu du Québec, le débat social que vit la France actuellement sur le mariage gai peut paraître arriéré, reconnaît Alain Roy. L’union civile et l’homoparentalité sont légaux au Québec depuis 2002, alors que le mariage gai est ouvert à tous les Canadiens depuis 2005, rappelle-t-il. «On est ailleurs.»
Selon lui, la protestation n’est probablement pas causée par le mariage lui-même, qui est mieux reçu, «les sondages le révèlent», mais bien sur l’adoption, qui remet en question les structures familiales traditionnelles.
Alain Roy voit en effet dans la famille quelque chose de sacré, un intouchable sociale, peu importe la nation. «La famille c’est quelque chose de tellement ancré dans les cultures. Regardez le débat qu’on a eu au Québec sur Lola. Regardez les polarisations, l’opposition. On fait tous partie d’une famille, on se sent tous concernés par la problématique. »
«La réforme française amalgame le mariage et l’adoption, ils partent de loin. C’est un gros morceau. [En France], pour pouvoir adopter, il faut se marier. Ça vient en combo».
«Ils sont encore plus farouchement opposés à l’idée que les couples gais aient des enfants. C’est une grosse marche à monter pour eux.»
«S’ils s’y étaient pris en deux étapes, peut-être que les choses auraient été différentes.»
Reste que l’ampleur de la contestation frappe M. Roy. «J’avoue que voir 800 000 Français manifester contre la réforme, je trouve ça particulièrement inquiétant».
Le Québec
Si le mariage gai n’est légal que depuis 2005 au Québec, c’est simplement parce que le gouvernement provincial n’avait pas le pouvoir constitutionnel de le faire en 2002, la compétence du mariage revenant au fédéral, poursuit-il.
Me Roy ajoute que le débat sur l’union civile et le mariage est réglé au Québec et qu’il a fait «l’unanimité». Mais le débat sur l’adoption, dit-il, n’a jamais vraiment eu lieu même s’il est aujourd’hui possible pour un couple homosexuel d’adopter un enfant. «Je ne veux d’aucune façon relancer le débat», assure-t-il. «Tout compte fait, je pense que notre réforme a consolidé des modèles familiaux.»
La question est plus épineuse concernant la procréation assistée. «Plusieurs personnes seraient surprises de lire certains éléments du code civil», lance Me Roy. Il est aujourd’hui légal pour deux lesbiennes au Québec d’avoir un enfant par insémination. La conjointe est alors légalement considérée comme deuxième mère de l’enfant.
Il est toutefois impossible pour un couple d’hommes d’avoir un enfant par filiation. Il leur est permis d’adopter.
Docteur en droit, Me Alain Roy est professeur titulaire à la Faculté et chercheur régulier au sein de l’équipe interdisciplinaire Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles de l’Institut national de la recherche scientifique. Il a notamment agi à titre d’expert du Procureur général du Québec dans le cadre de l’affaire connue sous le nom d’Éric c. Lola.