Certaines personnes naissent homme ou femme, mais leur identité sexuelle biologique ne correspond pas à leur ressenti psychique et psychologique. Les nombreuses évolutions médicales leur permettent aujourd’hui de pouvoir devenir la personne qu’ils souhaitent être réellement. Impact Campus a rencontré deux étudiants trans qui partagent leur expérience.
Un texte d'Anne-Sophie Maltais et Malika Schneider, journalistes
« Je n’étais pas une fille »
Jason est né de sexe féminin. Il s’appelait alors Laurence. En vieillissant, il s’habillait avec des vêtements unisexes et était attiré par les filles, mais n’était pas capable de se voir « sortir avec une fille en étant une fille ». C’est cet élément qui lui a fait comprendre qu’il y avait quelque chose qui clochait. En quatrième secondaire, il rencontre une psychologue qui met le doigt sur ses questionnements.
Laurence est transgenre.
Lors de l’annonce de son changement de sexe, Laurence devient Jason. Ce dernier confie qu’il n’a « pas perdu beaucoup d’amis », puisque ceux-ci sont très ouverts et compréhensifs. Du côté de sa famille, ses parents ont bien pris la nouvelle, après qu’il leur ait expliqué qu’il n’était pas bien dans sa peau. Il dit même s’être « vraiment rapproché » de son père. « Je suis vraiment chanceux », affirme-t-il.
Au cégep, Jason se fait couper les cheveux, commence les traitements hormonaux et devient tranquillement un garçon. Sa voix devient plus grave, sa musculature se développe, et sa pilosité augmente. Maintenant à l’université, il se présente depuis peu comme étant Jason.
À l’heure actuelle, il en est à l’étape de la prise de testostérone. D’ici deux ans, il souhaite recevoir la mastectomie bilatérale, soit l’ablation des seins et la phalloplastie, procédure qui consiste à façonner un pénis.
L’opération de changement de sexe est une étape qu’il veut franchir. « Je ne serais jamais capable de rester avec une partie de femme. Je ne renie pas mon enfance, ni que j’ai été une fille, mais je ne serais jamais capable de rester avec ce corps-là. Je ne me sentirais jamais à l’aise totalement », raconte-t-il.
Maintenant qu’il est étudiant à l’Université Laval, Jason croise tous les jours des dizaines d’hommes et se dit « envieux » par rapport à ces derniers. Le fait que ces hommes soient grands, bâtis et aient une barbe fait en sorte qu’il se compare beaucoup. « C’est vraiment dur, mais c’est une partie normale du cheminement », explique-t-il.
Devenir une femme à part entière
Andréa Nadeau, femme trans, a fait son coming out il y a deux ans et demi. Avant de réaliser son appartenance à la communauté trans, elle se considérait comme androgyne dans sa jeunesse. Atteinte d’un handicap physique depuis son enfance, elle était souvent portée à jouer avec des petites filles en raison de sa petite taille et de sa force limitée. « Je n’étais pas un garçon », explique-t-elle.
Cependant, elle ne définissait pas exactement ce qu’elle était. « Quand je regardais les gars, je me disais : « ce n’est pas moi », et quand je regardais les filles, je me disais que ce n’était pas moi non plus », raconte-t-elle.
Sa passion pour le cosplay lui a permis de se déguiser en femme avant de pouvoir s’affirmer en tant que tel. Dany, de son ancien nom, utilisait sa propre garde-robe afin de pouvoir s’habiller comme une femme durant les conventions auxquelles elle participait.
Andréa a progressivement compris qu’elle souhaitait devenir femme. Au fur et à mesure, elle a dévoilé sa nouvelle identité à ceux qui l’entourait.
« Je voulais me convaincre [d’être une femme] avant de convaincre les gens », admet-elle.
À la suite de l’annonce officielle de sa transsexualité aux personnes de son entourage, elle estime avoir été « vraiment chanceuse » de leur réaction.
Andréa Nadeau explique que pour les femmes trans, la perte de la pilosité est une obsession. Après avoir subi une évaluation psychologique, Andréa a commencé la prise d’hormones féminines à l’automne passé. Elle ressent de véritables changements physiques et psychologiques.
Dans son cas, ses poils disparaissent petit à petit, ses hanches se développent, sa poitrine prend forme et ses émotions changent. « Mon corps est devenu érogène », explique-t-elle. Elle précise toutefois ne pas vouloir subir la chirurgie complète pour l’instant.
Aujourd’hui, Andréa Nadeau précise que le plus beau cadeau qu’une personne puisse se faire à elle-même et aux autres c’est de « s’accepter ».
Les étapes du changement de sexe
Le processus pour entamer un changement de sexe est complexe et s’échelonne sur une longue période. La personne intéressée doit tout d’abord consulter des spécialistes pour déterminer ses motivations profondes et pour vérifier son état de santé.
Avant de commencer à prendre de la testostérone ou de l’oestrogène, l’individu doit prendre un médicament qui permet à son corps d’arrêter de produire les hormones naturelles du sexe de naissance. Il s’agit d’une étape nécessaire à la transformation qui s’échelonne sur deux ans.
Lorsque cette étape est terminée, la personne désirant changer de sexe doit entamer la prise de testostérone pour devenir un homme ou de l’oestrogène pour devenir une femme. Au fil du temps, des signes évidents de la prise de ces hormones se manifestent.
L’étape finale est la chirurgie génitale. Celle-ci n’est cependant pas obligatoire pour qu’une personne soit considérée comme étant trans. C’est d’ailleurs la seule différence qui permet de déterminer si une personne est transgenre et/ou transsexuelle.
Pour pouvoir recevoir l’opération gratuitement, la personne en question doit rencontrer divers spécialistes qui fourniront à l’individu des lettres manuscrites. Au total, l’individu doit récolter quatre lettres de la part d’un psychiatre, d’un sexologue ou d’un psychologue, d’un médecin de famille et d’un endocrinologue.
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Être trans à l’Université Laval
Le Groupe gai de l’Université Laval (GGUL) a intégré il y a moins d’un an un nouveau comité au sein de son association. Ce dernier concerne les personnes transgenres et transsexuelles de l’Université Laval, mais il est également accessible aux personnes de l’extérieur qui se sentent concernées.
À la base, le GGUL a été créé en 1978 pour des hommes homosexuels. Selon Mikaël Leduc, président du groupe, l’accès était « très limité ». Au fil des années, le Groupe s’est ouvert davantage en acceptant « des personnes de toutes les orientations », mentionne-t-il.
Le président du GGUL souligne que leur mission est « de valoriser la diversité sexuelle et de genre au sein de l’Université Laval et de la ville de Québec. »
Andréa Nadeau, femme trans, est la coordonnatrice du comité d’action trans de l’Université Laval. Elle explique que le jeune âge de son comité fait en sorte qu’il n’est pas connu ni reconnu par les étudiants et étudiantes de l’Université Laval, par le monde extérieur et par l’administration universitaire. « Pour l’instant, le comité est très restreint. On est quatre. » Aucun registre des membres n’existe pour l’instant, ajoute-t-elle.
La coordonnatrice lance un appel aux personnes trans de l’université. « On essaie de faire connaître le comité ». Que ce soit pour des questions de type académique ou psychologique, « nous sommes présents ».
Même si les personnes qui forment le comité n’ont pas la formation professionnelle nécessaire pour aider les personnes trans durant tout leur processus, il reste qu’ils sont capables de les soutenir et de les orienter vers des organismes spécialement conçus pour eux, comme le Centre d’aide aux étudiants et l’ATQ (Aide au Trans du Québec).
L’administration de l’Université Laval sera plébiscitée
La coordonnatrice du comité souhaite intervenir dans les prochains mois auprès de l’administration de l’Université Laval afin de proposer plusieurs projets. Ces derniers permettront aux personnes trans de s’adapter plus facilement à la vie universitaire.
L’un de ces projets concerne l’utilisation du nouveau nom usuel de la personne trans dans les différents papiers administratifs. De plus, le comité souhaite élaborer un projet concernant l’accès aux toilettes. Il espère convaincre l’Université de créer des toilettes mixtes pour que les personnes de type non-binaire puissent y aller sans se questionner.
Andréa précise qu’il est important pour ces personnes « d’aller dans les toilettes de [leur] identité ressentie et non celle de [leur] assignation de naissance ». Selon la coordonnatrice, les vestiaires familiaux établis au PEPS sont une bonne alternative à la problématique que rencontrent les personnes en transition ou celles de type binaire. Même si ces installations n’ont pas été mises en place pour cette raison particulière, il reste que c’est une option intéressante, avoue-t-elle.
À ce sujet, l’administration de l’Université Laval n’a émis aucun commentaire étant donné qu’aucun dossier ne leur a été transmis jusqu’à présent.
Pour plus de renseignements, le local du GGUL se trouve au 2223 du pavillon Maurice-Pollack.
Transsexuelle : Personne ayant complété une transition afin de faire mieux correspondre son sexe biologique et son identité de genre.
Transgenre : Personne dont l’identité de genre ou le sexe biologique se situe en dehors du binarisme homme-femme, qui ne s’identifie pas à son sexe assigné à la naissance ou qui a entamé un processus afin de faire mieux correspondre son expression de genre et son identité de genre.
Androgyne : Personne dont l’identité de genre se situe entre les deux pôles socialement valorisés, présentant des aspects associés à la fois aux femmes et aux hommes.
Non-binaire : Personne dont l’identité sexuelle ne correspond pas au sexe féminin ou masculin, qui se définit en dehors de la dualité homme-femme.
Source : Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail de la Chambre de commerce gaie du Québec, Centre de lutte contre l’oppression des genres de l’Université Concordia et Communauté LGNTQA, via Radio-Canada.