Depuis le début de l’année 2025, les décisions politiques s’accumulent des deux côtés de l’Atlantique pour restreindre les droits des personnes transgenres. À mesure que les jours passent, c’est un véritable calendrier régressif qui se dessine, révélant une offensive coordonnée contre les identités de genre non conformes. En seulement trois mois, plusieurs textes de loi, décisions judiciaires et décrets présidentiels ont installé une nouvelle normalité répressive, marquée par un retour en force d’un discours biologique essentialiste : retour sur trois mois d’une offensive inquiétante.
Par Léon Bodier, journaliste multiplateforme
Une vague de décrets et d’interdictions aux États-Unis
20 janvier. Le président Donald Trump signe le décret 14168, intitulé Défendre les femmes contre l’extrémisme de l’idéologie du genre. Ce texte impose une définition exclusivement binaire du sexe au sein des institutions fédérales américaines. Les marqueurs de genre non conformes sont bannis des passeports. Les demandes de changement de genre sont suspendues, rendant les déplacements internationaux des personnes trans plus complexes et souvent humiliants. Un mois plus tard, l’actrice d’Euphoria et icône trans Hunter Schafer révèle que son nouveau passeport l’identifie au genre masculin après avoir égaré l’ancien lors d’un tournage à l’étranger.
30 janvier. La Floride interdit la modification du genre sur les permis de conduire. La mesure fait écho à une série de lois répressives votées dans des États conservateurs.
20 février. Vingt-sept États américains interdisent ou limitent sévèrement l’accès des jeunes aux traitements médicaux d’affirmation de genre. Des médecins se retrouvent en conflit direct avec la loi, dans l’impossibilité de prodiguer des soins qu’iels jugent vitaux.
4 avril. Une étudiante trans est arrêtée pour avoir utilisé les toilettes correspondant à son genre dans un établissement scolaire en Floride. Elle encourt jusqu’à 60 jours de prison.
20 avril. Les organisateur.rices de WorldPride à Washington, D.C., envisagent une alerte officielle déconseillant aux personnes trans de voyager aux États-Unis.
Réactions internationales et résistance communautaire
15 avril. En Norvège, la députée Rasmus Ødegård (Parti vert) plaide pour que les États-Unis soient reconnus comme pays persécuteur envers les personnes transgenres. Elle appelle à l’octroi de l’asile pour les Américain.es trans, évoquant une « dérive illibérale » qui les érige en boucs émissaires.
16 avril. Le Royaume-Uni emboîte le pas. La Cour suprême statue que les termes « femme » et « sexe » dans le Equality Act renvoient uniquement au sexe biologique. Une décision saluée avec enthousiasme par l’autrice JK Rowling sur les réseaux sociaux : « I love it when a plan comes together. »
17 avril. Aux États-Unis, la dysphorie de genre est retirée de la liste des handicaps reconnus par le ministère de la Santé. La même journée, l’actrice Nicola Coughlan lève 60 000 livres sterling pour une association trans : « Les seules personnes qui m’ont fait me sentir en danger sont des personnes cisgenres. Vous ne défendez pas les droits des femmes. Vous ne parlez pas en mon nom. »
18 au 21 avril. Une trentaine de manifestations éclatent à travers le Royaume-Uni pendant le week-end de Pâques. De Plymouth à Orkney, les slogans rappellent que les droits des personnes trans ne sont pas négociables.
22 avril. Le chef du Parti travailliste britannique, Keir Starmer, se range derrière la Cour suprême et déclare : « Je suis vraiment heureux que la décision ait clarifié les choses. Nous pouvons maintenant aller de l’avant. » Une « clarification » qui consacre l’effacement juridique des femmes trans au nom de la simplicité administrative.
Les étudiant.es et professeur.es de l’Université Laval
Depuis le 21 mars, les chercheur.ses canadien.nes recevant un financement d’agences américaines doivent remplir un questionnaire attestant que leurs projets s’alignent avec les orientations du gouvernement des États-Unis. Iels doivent notamment s’engager à ne pas collaborer avec des groupes jugés contraires aux intérêts américains — incluant des partis « communistes, socialistes ou totalitaires » — et à exclure toute référence à « l’idéologie de genre » ou à la « justice environnementale », selon Le Devoir et The Globe and Mail (voir notre article couvrant le sujet : Incertitude dans la communauté scientifique américaine).
Ainsi, dans un courriel de communication à la communauté étudiante le 23 avril, François Gélineau (Vice-recteur aux affaires internationales et au développement durable) et Cathia Bergeron (Vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes) annoncent leurs recommandations quant aux travaux des professeur.es et étudiant.es de l’Université Laval en lien avec à leurs « séjours aux États-Unis dans un contexte international évolutif. »
Les deux spécialistes signalent les sujets de recherches sensibles à l’international, en particulier dans le cadre de séjours aux États-Unis. Deux d’entre eux concernent les minorités queers : « Les thématiques liées à l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Les questions touchant à la justice sociale, aux identités de genre, à la santé reproductive et aux droits des minorités. » En effet, « dans certains États américains, des orientations politiques ont restreint ou encadré l’enseignement et la diffusion de contenus liés à ces enjeux, qui peuvent faire l’objet de questionnements. »
Une tendance historique réactivée
Ces événements, bien que séparés géographiquement, s’inscrivent dans une dynamique globale : la remise en cause des droits des minorités au nom d’une supposée vérité biologique. Les cibles sont les mêmes que celles des offensives passées (recul du droit à l’avortement, retrait de la liberté des Drag Queens, etc.) : le féminin, dans sa diversité, demeure une obsession politique.
En savoir plus :