Le 11 décembre dernier, la vice-rectrice aux affaires étudiantes de l’Université Laval, Cathia Bergeron, diffusait un communiqué informant la communauté étudiante du lancement d’un projet pilote sur l’équité menstruelle. Mme Bergeron a accepté de s’entretenir avec Impact Campus pour fournir de plus amples détails sur ces démarches.
Par Florence Bordeleau-Gagné, journaliste multiplateforme
Un projet-pilote collaboratif
L’idée de fournir des serviettes sanitaires et des tampons dans les différentes toilettes du campus provient de la communauté étudiante, principalement de l’association étudiante FEMUL (Féministes en mouvement de l’Université Laval), mais aussi de la CADEUL et de l’AELIES, souligne d’emblée Mme Bergeron. Un an après leur demande officielle auprès de la direction, le projet est lancé, aux frais de l’Université Laval.
L’objectif principal est de venir en aide aux personnes en situation de précarité financière, qui n’absorbent que difficilement les coûts impliqués par leurs règles, mais aussi de servir de plan de secours. « Nous sommes confiant.es vis-à-vis de la communauté étudiante : nous croyons en la bonne foi des gens, qui n’iront pas dévaliser les distributrices », anticipe Mme Bergeron.
Bien que tous les pavillons ne soient pas encore touchés par ce projet, c’est une bonne vingtaine de toilettes, dispersées entre le De Koninck, le Palasis-Prince, le Vachon et le Vandry qui verront leurs murs agrémentés par ces distributrices.
Les produits de la marque Joni, compagnie de Vancouver répondant à plusieurs critères écologiques, seront rendus disponibles gratuitement. La vice-rectrice insiste : il était primordial, pour la mise en place du projet, de choisir des produits qui reflétaient les valeurs de l’Université.
Aux différents points de distribution (dont la liste est disponible ici), un code QR sera affiché afin de permettre aux étudiant.es de donner leur avis sur le projet et de proposer des améliorations. L’Université se donne un horizon de six mois pour peaufiner le projet. Bien que l’équipe soit très ouverte aux suggestions de la communauté étudiante, qui seront obtenues via le sondage apparaissant sur les écrans à la lecture du code QR, Mme Bergeron se dit fière de lancer un projet solide, qu’elle considère en très grande partie aboutie.
Des mesures à l’échelle fédérale
Le gouvernement du Canada a par ailleurs annoncé, ce vendredi 15 décembre, que le même genre de service était désormais obligatoire dans tous ses lieux de travail, à cause de l’entrée en vigueur d’une modification au Code canadien du travail (art. 9.17). « Le fait de considérer les serviettes hygiéniques et les tampons comme des produits de première nécessité, ce qu’ils sont, dans les milieux de travail des secteurs privé et public sous réglementation fédérale, contribuera à créer des milieux de travail plus sains et plus inclusifs, à améliorer l’équité entre les genres et à réduire la stigmatisation entourant les menstruations. Grâce à ces changements, le Canada franchit une autre étape importante à titre de chef de file en matière d’égalité des genres en milieu de travail, en mettant en place l’une des politiques les plus complètes au monde, » pouvons-nous lire dans le communiqué de presse diffusé en ligne, ici.
Le gouvernement provincial emboîtera-t-il le pas à ces démarches à la fois novatrices et essentielles ? À quand les tampons et serviettes hygiéniques rendus disponibles partout dans les lieux publics, au même titre que le papier de toilette ou le papier à mains ? Pour Roxane Champagne-Duval, fondatrice de la marque montréalaise de produits menstruels biologiques Alea Protection, le Québec est en retard en matière d’équité menstruelle, mais est dans la bonne direction – c’est du moins ce qu’elle a affirmé lors d’une entrevue accordée à La Tribune (ici). Au Québec, la Campagne Rouge (2019-2021) a certes mené à des résultats empiriques fort intéressants, mais peu de résultats en pratique.
Un retard à rattraper
En effet, ailleurs dans le monde, des mesures visant à alléger le poids et le stress liés aux menstruations existent depuis longtemps. Au Japon et en Indonésie, depuis respectivement 1947 (!) et 2003, les employeur.euses sont tenu.es d’accepter les demandes de congé pour cause de règles douloureuses. Ces congés, bien qu’apparemment peu utilisés en pratique, contribuent malgré tout à désinvisibiliser les menstruations et déconstruire le tabou qui subsiste encore autour de cette réalité biologique.
La Suisse offre aussi un bel exemple en ce qui a trait plus précisément à la distribution gratuite de tampons et serviettes : à la suite d’études publiques précises sur la précarité et le tabou menstruel dans le canton de Vaud, un projet pilote a été lancé en 2022 dans tous les établissements scolaires publics.
Nous pouvons donc espérer que l’Université Laval s’érigera en exemple pour le gouvernement du Québec et les autres établissements scolaires autonomes et, pourquoi pas, pour tout établissement public, qu’il soit gouvernemental ou non, comme les aéroports, les restaurants, les centres commerciaux, etc.