Six mois après le vol au Musée de géologie René-Bureau, situé au 4e étage du pavillon Pouliot, les pistes s’effacent pour retrouver un suspect. L’enquête qui avait été ouverte au Service de sécurité et de prévention de l’Université Laval (SSP) est désormais close, alors que celle du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) reste en suspens.
Impact Campus révélait en décembre 2015 que des voleurs avaient dérobé une grande quantité de spécimens appartenant au musée, à la mi-septembre. L’Université Laval avait alors refusé d’émettre un commentaire, mentionnant qu’une enquête était en cours.
Six mois après les événements, des dizaines de roches restent toujours absentes dans les vitrines. Dans un bref communiqué, l’administration universitaire signale qu’à la suite de l’enquête menée par le SSP et des recommandations qui en émanent, « plusieurs d’entre elles ont été retenues et, par conséquent, divers moyens permettant de renforcer la sécurité des lieux ont été mis en place ». De son côté, le conservateur du musée, Olivier Rabeau, déclare qu’il n’émettra aucun commentaire en lien avec cette affaire.
Par une demande d’accès à l’information formulée auprès de l’Université Laval, Impact Campus a obtenu des copies du journal d’enquête du SSP et des formulaires des déclarations de vol ont été obtenues. Au terme de l’enquête, le 10 décembre 2015, le dossier a été fermé en raison du manque de nouveaux éléments. L’enquête reste non résolue.
La plainte avait aussi été acheminée au SPVQ, et une enquête a été ouverte parallèlement. Rejoint par téléphone, l’enquêteur en charge du dossier mentionne qu’aucun suspect n’est en vue et que l’enquête est suspendue. Faute de nouvelles pistes, l’investigation est mise de côté pour l’instant, fait-on savoir.
Dans son article paru en décembre 2015, Impact Campus rapportait que la valeur totale des roches dérobées s’élevait à environ 20 000 $. Selon les informations disponibles dans le rapport d’enquête du SSP, le conservateur du musée évaluerait plutôt la valeur à 40 000 $ ou 50 000 $.
La sécurité en cause?
Au moment de fermer le dossier, l’enquêteur du SSP note un « problème de sécurisation des lieux », dont les détails ne sont pas précisés. Interrogée sur ce qui a été mis en place pour palier les lacunes soulevées, l’Université Laval refuse de dire quels moyens spécifiques ont été retenus pour renforcer la sécurité du musée. Elle explique ne pas vouloir compromettre la sécurité de l’endroit.
Rencontré pour comprendre les difficultés rattachées à la conservation d’oeuvres muséales, le chef de la sécurité du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), Daniel Morin, explique que l’exposition au public d’un objet comporte des risques, malgré les dispositions prises pour le protéger.
« Le risque 0, ça n’existe pas. […] Un Lemieux, un Pellan, un Riopelle, une roche… Pour moi, ce sont tous la même chose. Ce sont des objets de valeur à partir du moment où ce sont des oeuvres d’art, peu importe que ce soit une oeuvre de quelques milliers ou de centaines de milliers de dollars. »
D’après son analyse, des mesures de sécurité « en pelure d’oignon », c’est-à-dire à plusieurs niveaux, assurent une meilleure protection des objets qui sont exposés. Le chef de la sécurité fait savoir qu’au Musée national des beaux-arts, des caméras de surveillance et des détecteurs de mouvement sont installés pour permettre une surveillance des visiteurs dès leur entrée. En plus, des agents de sécurité garantissent une présence dans les salles et s’assurent d’être vus par les visiteurs.
Au musée de géologie René-Bureau, aucune caméra de surveillance n’est visible pour les visiteurs et aucun agent de sécurité n’était présent au moment des visites d’Impact Campus. En lui présentant des photographies des vitrines et du système de serrure qui les verrouille, M. Morin n’ose pas se prononcer sur les dispositifs de sécurité en place puisque certains d’entre eux peuvent ne pas être visibles pour le visiteur. « Je ne peux pas me prononcer [en voyant simplement des photographies]. Je vois des socles, des pièces. À mon avis ça semble bien, mais le risque zéro n’existe pas », commente-t-il.
« Quand on expose un objet, qu’on le veuille ou non, on l’expose au risque. À partir de là, l’expert doit regarder la menace qui entoure l’objet et par la suite prendre les dispositions pour essayer de diminuer ou d’enrayer cette menace-là », développe Daniel Morin. Exposer des spécimens comporte des risques, précise l’expert, et il revient aux équipes compétentes d’évaluer quels risques elles sont prêtes à prendre en les exposant.
Retour sur les événements
Au total, deux vols ont été commis dont le premier lors de la fin de semaine du 19 septembre. Dans le formulaire de déclaration de vol datant du 21 septembre, le conservateur du musée, Olivier Rabeau, écrit avoir remarqué cette journée-là que des spécimens manquaient à l’appel. « Ces spécimens sont rares et de grande valeur », est-il écrit.
« La personne responsable connaissait très bien la minérologie. […] Les échantillons ont été choisis par quelqu’un qui est très familier avec la minéralogie et le commerce de minéraux », peut-on lire dans la déclaration.
Selon le rapport d’enquête, le SSP s’est saisi du dossier dès le dépôt de la plainte. Il est écrit qu’aucune caméra ne se trouve sur l’étage du pavillon.
Alors que les investigations n’avancent pas, l’enquêteur prévoit clore le dossier le 16 octobre. Trois jours plus tard, un deuxième vol est commis. Huit morceaux sont dérobés dans la nuit du 18 au 19 octobre. L’enquêteur ne réussit pas à identifier de suspect en raison de l’emplacement peu accommodant des caméras de surveillance du pavillon Pouliot. « Très lourd : beaucoup de circulation et les caméras ne sont pas dans le secteur », est-il écrit.
Une vitrine est brisée le 3 novembre, mais rien n’est volé. L’enquête du SSP est close et non résolue le 10 décembre.