Ingmar Bergman, probablement le plus grand réalisateur suédois, et indubitablement l’un des plus grands de toutes nationalités, est né le 14 juillet 1918 à Uppsala, petite ville située dans le sud de la Suède. Il aurait donc célébré son centième anniversaire l’an dernier. La mort est une thématique qu’il a abordée à quelques reprises.
Par Marc-Antoine Auger, journaliste collaborateur
Cries and Whispers
Cries and Whispers aborde sans contredit la thématique du deuil. Ce film, sorti en 1972, met en scène trois sœurs qui se réunissent dans une maison de campagne où elles ont vécu quelques souvenirs de jeunesse. L’une des trois sœurs est en phase terminale d’un cancer du poumon, ce qui provoque inévitablement des remous parmi la famille et les amis proches. Ce film, il faut le regarder comme si on assistait à une pièce de théâtre : le travail accordé à la mise en scène, aux décors, aux jeux des actrices rappelle celui du sixième art. Dans le film, la couleur rouge revient souvent dans les décors, comme un motif. Je ne vous apprends rien en disant que le rouge, c’est la couleur du sang, la couleur de l’amour. Dans le film, les fondus entre les scènes ne se font pas toujours en noir,
mais aussi en rouge.
Ce très grand film de Bergman a reçu quelques prix et nominations aux Oscars, et fut même nommé dans la catégorie « Meilleur film », une reconnaissance assez rare pour un film en langue étrangère.
Saraband
Sorti en 2003, Saraband est son tout dernier film en carrière, qu’il a réalisé quelques années avant de mourir. Dans cette réalisation, la mort, sans être omniprésente, n’en demeure pas moins une thématique importante, car elle influe, dans une moindre mesure, sur le comportement de nos deux personnages principaux, mais dans une proportion plus frappante sur les personnages secondaires. La fin du film est assez troublante ; sans vous révéler de spoiler, on en vient sérieusement à se demander comment la mort d’un proche peut faire en sorte qu’un tel événement se produise. Rarement légers, les films de Bergman doivent être regardés dans un certain état d’esprit. En effet, ils posent de nombreuses questions et pour bien les comprendre, il ne faut pas lésiner sur notre réflexion.
La mort comme personnage
Un des films les plus célèbres de la carrière du cinéaste suédois est sans aucun doute le film The Seventh Seal (Le Septième Sceau). Pour les besoins de l’article, j’ai revu ce film, et il est encore meilleur à la deuxième écoute. Beaucoup des films de Bergman posent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses et celui-là ne fait définitivement pas exception. The Seventh Seal raconte l’histoire d’un chevalier revenant des Croisades et il reçoit la visite de la mort « en personne » sur la plage. S’ensuit alors une discussion où le chevalier apprend que c’est son heure, que le trépas a sonné, mais, pour gagner du temps, il décide de le défier aux échecs. Toutes les tactiques sont bonnes pour l’emporter. Dans le film, la mort est personnifiée par un homme arborant une longue cape noire qui couvre tout son corps, sauf son visage qui, lui, est blanc. Métaphore intéressante, on dit souvent qu’on a de la difficulté à voir la mort en face, mais ici, le seul élément qu’on voit de la mort, c’est justement son visage. Étant donné que le personnage principal est un chevalier, on peut logiquement penser de lui qu’il n’a pas peur de la mort, même lorsqu’elle se présente face à lui. Ce film aborde d’autres thématiques que la mort, comme le nihilisme et le « silence de Dieu », ce dernier thème revenant souvent dans les films de Bergman. Sorti en 1957, The Seventh Seal est l’un des plus grands films de tous les temps, très souvent cité, parodié et analysé depuis toutes ces années. Il a établi Ingmar Bergman comme un très grand réalisateur.
Summer Interlude
Ce dernier film est probablement la porte d’entrée dans le cinéma de Bergman, même si ce n’est pas son plus simple : Summer Interlude (1951). Le film raconte l’idylle de deux jeunes adultes à la fin de la vingtaine, idylle qui avait débuté sur une île 13 ans auparavant. La femme est assez indépendante et distante, son métier de ballerine, où elle y connait du succès, accapare beaucoup de son temps, alors que l’homme est peu confiant et peu occupé. Lorsqu’on a vu The Seventh Seal, il est intéressant de voir Summer Interlude, car à un certain moment, on aperçoit, semblable en tout point, le personnage de la mort évoqué dans le paragraphe précédent. La seule différence physique entre les deux (et elle est assez majeure), c’est que la personnification de la mort dans Summer Interlude est interprétée par une femme. Elle porte le même genre de longue cape noire, qui couvre tout le corps sauf le visage. Elle n’a aucune réplique et on l’aperçoit en coup de vent. À peine une minute dans le film, tout au plus. Un accent est tout de même mis, de manière assez subtile, sur l’apparition de ce personnage quelque peu étrange.
Wild Strawberries
Je me permets de glisser un dernier petit mot sur un autre film de Bergman sorti en 1957, la même année que The Seventh Seal, et je parle ici de Wild Strawberries. Le film ne parle pas de la mort en tant que telle, mais il parle de l’existence et des questionnements intérieurs qu’un être humain peut se poser lorsqu’il sent qu’il est proche de la fin. Le film met en scène Victor Sjöström, âgé de 77 ans au moment de tourner le film. C’est son dernier rôle en carrière et il y va d’une performance magnifique.
Bergman a eu une carrière prolifique, lui qui a réalisé au-dessus d’une quarantaine de films, et produit ou scénarisé plusieurs autres. Ce réalisateur mérite grandement d’être célébré et étudié aujourd’hui et pour encore bien des années, puisqu’il aborde des thématiques intemporelles.