Pour célébrer les 20 ans de carrière du collectif d’art actuel BGL, le Cercle des collectionneurs en arts actuels de Québec organisait le mardi 16 février une conférence au Musée national des beaux-arts du Québec. Cette date concorde avec leur sortie de l’UL où tout a commencé pour le trio internationalement reconnu. Retour sur la genèse des enfants terribles de Québec.
2015 a été une année mouvementée pour Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière, qui ont chacun donné la première lettre de leur nom de famille au collectif. En plus de signer l’œuvre publique La vélocité des lieux à Montréal-Nord et Pool Lane à Toronto, les artistes ont eu la chance de représenter le Canada à la 56e Biennale de Venise en transformant pendant 5 semaines le pavillon du pays… en dépanneur.
Le collectif, maintenant reconnu à l’international, a commencé sa carrière ici à Québec. Les trois artistes ont pu, lors de leurs trois années de baccalauréat en arts visuels, jeter les bases de ce qui fait aujourd’hui leur renommée.
Du collectif dans l’art
Dès leur deuxième année d’université, les trois garçons commencent à passer plus de temps ensemble. Ils évoquent le temps passé en atelier à discuter pendant des nuits entières. « On passait nos nuits là. Le soir, il y avait deux ou trois autres étudiants avec nous. C’était comme un grand terrain jeu ». C’est là qu’est né leur intérêt du travail de groupe.
« Tout seul tu doutes, alors qu’à trois tu doutes, mais en riant ! », explique BGL, qui insiste pour ne pas être cité individuellement. « On dirait que c’est moins gênant faire de la merde en équipe. C’est pour ça qu’on continue à [travailler ensemble] ».
Ils racontent avoir commencé à présenter des travaux ensemble sur les bancs d’école, au grand désarroi des professeurs qui peinaient à les évaluer individuellement. Ils gardent de bons souvenirs de ces enseignants et de « l’atmosphère de challenge » entre les profs et les élèves, qui questionnaient leur pratique plus formaliste.
Si le trio reste marqué par la philosophie de l’art de plusieurs professeurs, il souligne également les apprentissages fournis par les techniciens de la Fabrique, qui leur ont montré à manipuler plusieurs médiums. Ne laissant personne de côté, les artistes insistent également pour parler des collègues de classe.
« Il y a eu l’école des profs, mais il y a aussi eu l’école de nos amis ». La plupart des étudiants qu’ils côtoyaient sont encore actifs sur la scène de l’art, comme leur ancien collègue d’atelier Samuel Roy-Bois, aujourd’hui installé à Vancouver, dont La pyramide a été présentée à L’Œil de poisson en septembre dernier.
Des enjeux récurrents
Moins cérébral que technique, le trio se penche pourtant sur des questions complexes comme la société de consommation, l’absurdité de la vie contemporaine ou encore l’obsolescence des objets. Toujours abordés avec un humour mordant et provocateur, c’est en prenant possession des lieux et en détournant les éléments de la vie quotidienne qu’ils explorent les thèmes qui leur sont chers.
Les trois diplômés lavallois décrivent leur processus de création comme une recherche de phénomènes. « Je pense que ça vient de nos profs, cette volonté de garder le spectateur captif plus que 30 secondes ». Le collectif s’inspire de son environnement, de quelque chose qu’il trouve drôle, et voit ensuite si son idée soulève assez d’enjeux.
C’est ainsi qu’a surgi leur projet de finissant.
En 1996, le trio décide de transformer l’espace alloué aux casiers du troisième étage de la Fabrique en poulailler. Ils y insèrent des poules vivantes, des étagères d’épicerie et un muret de céramique.
Ces interventions absurdes s’intègrent si bien au lieu qu’elles réussissent à berner certains visiteurs. « Quand tu te fais demander si les poules ont toujours été là, c’est assez flatteur pour un joueur de tours ». Cet esprit ludique ne les quittera plus.
D’autres grandes thématiques se sont aussi développées lors de leur passage à Laval, comme la récupération des résidus du quotidien. « À l’école, on se nourrissait à même les poubelles et les conteneurs de chantiers. Visiblement, on aime ça utiliser les rejets de notre société. On trouve que ces objets-là n’ont pas encore fini leur vie, on peut leur en donner une autre ». Cet intérêt pour la réutilisation se manifeste encore aujourd’hui dans leur travail.
Après 20 ans de travail, le collectif continue de s’amuser sans jamais se prendre au sérieux. S’étant fait remarquer à la Biennale pour l’installation Canadassimo alliant vie quotidienne, réutilisation de détritus et critique de la société, BGL est toujours là pour nous rappeler que l’art est d’abord un jeu.