A beau mentir qui vient de loin

Le metteur en scène Jacques Leblanc insiste dès le début de l’entrevue sur la qualité de ce texte, qui date du XVIIe siècle. «C’est une pièce très bien ficelée. Le public embarque tout de suite. Il y a plusieurs quiproquos qui s’entremêlent, mais si on comprend le premier, ça va bien!», assure l’homme de théâtre bien connu de Québec.

Cette comédie classique raconte les mésaventures d’un jeune étudiant en droit de retour à Paris après ses études qui, trouvant son passé beaucoup trop commun, enjolive son existence sans mesurer les conséquences de ses mensonges. «Il ment à tout le monde!», lance Jacques Leblanc. «Sa motivation à mentir découle du regard des autres. Il a envie d’être plus que ce qu’il est réellement », ajoute celui qui est aussi le directeur artistique de la Bordée.

Rédigée en alexandrins, cette pièce représente somme toute un défi pour les interprètes qui doivent s’adapter à cette forme narrative particulière. «C’est sûr que la prononciation du vers impose un rythme, explique le metteur en scène. Pour que le texte soit bien compris, il faut faire un léger arrêt après le sixième pied. Ça demande une très grande discipline de la part des comédiens.»

La distribution de la pièce est par ailleurs assez jeune puisque six rôles importants, dont le principal tenu par Nicola-Frank Vachon, sont endossés par des comédiens qui sont dans la vingtaine. Un travail avec la relève dont Jacques Leblanc tire une excellente expérience : «J’ai été impressionné par leur rigueur, leur envie d’avancer. Ils réinventent la manière de jouer ce genre de théâtre grâce à leur fougue et leur personnalité.»

Y a-t-il une morale, dans cette histoire de mensonges répétés sans scrupules ? Ce jeune étudiant, bien qu’il mente au nom de l’amour, paye-t-il le prix de ses lubies? «Il paye un peu le prix de ses mensonges, mais pas énormément», affirme Jacques Leblanc. «En fait, la morale est que, pour s’en sortir, il faut justement apprendre à bien mentir…» conclut-il, amusé. Voilà une vérité dont il faudra se souvenir…

C’est un pur moment de plaisir auquel nous convie le Théâtre de la Bordée en présentant Le Menteur, une comédie classique écrite par Corneille, dont Jacques Leblanc signe la mise en scène. Force est d’admettre que le personnage est un bien charmant menteur à qui il est, malgré nous, facile de pardonner!

Ainsi, 400 ans après sa création, cette pièce sait encore ravir le public. Dès le début, le ton est donné et le spectateur est transporté dans ce monde où les quiproquos semblent tomber du ciel, à notre plus grand bonheur. La mise en scène rythmée, frôlant parfois le burlesque, s’avère très efficace pour souligner certains des passages les plus amusants de l’histoire de ce Dorante mythomane, mais combien attachant. Le jeu physique des comédiens, particulièrement celui de Christian Michaud, dans le rôle du valet de Dorante, ajoute au divertissement.

L’interprétation irréprochable des comédiens, leur habileté à réciter les alexandrins et à habiter ces personnages du XVIIe siècle, toujours actuels cependant, contribuent grandement à la qualité de cette production. Nicolas-Frank Vachon, dans le rôle principal, sait donner juste ce qu’il faut de naïveté et de romantisme à ce menteur chronique, afin de conserver la sympathie du public. Seul bémol : la trame sonore semble un peu trop contemporaine par rapport au reste, mais rien de bien agaçant.

Ainsi, cette comédie romantique, présentée jusqu’au 21 mars, permet de passer un moment de légèreté et de plaisir fort bienvenu en ces temps où les mauvaises nouvelles affluent. Pas de morale, pas de leçon, juste quelques mensonges pour embellir un peu notre existence, l’instant d’un spectacle. De toute façon, mentir au nom de l’amour, est-ce vraiment mentir?
 

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