Filles de joies et de peine

En 1948, dans un village isolé, les quatre filles de Magloire Prémont vivent heureuses, malgré la rancœur féroce qu’elles vouent aux bonnes ouailles du village. Blessées par les ragots et les coups de la vie, elles sont libres dans un Québec rural qui se dote lentement de l’eau courante et de l’électricité sous la gouverne de Duplessis. Ce contexte est bien établi au tout début, avec des images documentaires de l’époque et le témoignage de l’unique descendante des Prémont, une orpheline de Duplessis.

La plus vieille agonise, pleurant son fiancé déserteur, juchée dans le haut du décor d’Élise Dubé. On l’entrevoit entre les branches angulaires des arbres-échelles, comme une princesse emmurée, alors que sur le plateau, les cadettes se délassent et organisent la maisonnée avec ce qu’elles gagnent de la prostitution. Elles parlent politique, économie, société avec lucidité, dans une parlure du terroir qui demande un effort de concentration au spectateur, mais qui a un certain charme lorsque les répliques sont bien senties (et qu’elle ne sont pas accompagnées de mimiques des Belles Histoires du Pays d’En-Haut).
Le salut de la famille repose sur la plus jeune, la Zarzaise, dont on préserve la vertu pour en faire une religieuse. Son imagination naïve a inspiré plusieurs animations vidéos aux concepteurs, qui ont choisi de baisser l’éclairage et de projeter des images sur un rideau transparent en avant-scène pour illustrer ses propos. Malgré quelques beaux effets, ce procédé devient toutefois plutôt redondant et syncope la représentation, alors que les actes excentriques de la benjamine allègent et poétise naturellement la pièce, comme lors de la dernière scène particulièrement réussie.

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