Dans la prophétie de la Tour de Babel, les différences linguistiques ont dressé des murs vertigineux entre les hommes et ont semé la discorde. Aujourd’hui, quelle est la valeur que nous accordons aux langues?
Plongeon dans la Bible : au commencement, tous les humains évoluaient dans l’harmonie et partageaient un seul langage. Puis, la convoitise les poussa à ériger une tour si haute qu’elle leur permettrait de devenir égaux à Dieu. Afin de contrecarrer leur projet, le Tout-Puissant divisa pour régner; il introduisit plusieurs dialectes qui semèrent la discorde entre les humains. Ces derniers se retrouvèrent affaiblis, incapables de communiquer, se dressant les uns contre les autres.
En sommes-nous toujours à ce point? Que se passerait-il si nous utilisions ce diviseur originel afin de revenir à l’union initiale? Rêve fou à l’horizon. Les passagers sont priés de joindre le navire. Départ immédiat!
Supposons qu’à l’occasion des trépidants cours de langues du secondaire et du collège, les enseignants s’autorisent de petites incartades au monde des racines linguistiques. Peu à peu, la richesse historique, sociale et artistique émerge des livres de grammaire. Les étudiants se surprennent à en demander plus. Ils veulent comprendre et découvrir la langue qu’ils massacraient pourtant au quotidien. Une épidémie se répand dans le quartier, dans la ville, dans le pays du bilinguisme! Tous cessent de percevoir le langage comme un outil permettant de décoder les atrocités publicisées et les meilleurs placements en bourse. Ils retrouvent la chaleur de la lecture. La population est enchantée de se découvrir des traits communs avec ses voisins originaires du Burkina Faso, de l’Italie, du Guatemala. Une lumière céleste descend sur les hommes et la réunion s’accomplie enfin!
Fin du voyage. Et du délire.
Un peu plus sérieusement, les langues sont le reflet de notre monde, de notre comportement. Elles se sont élaborées en empruntant les unes aux autres des termes et des usages. Chacune avec ses particularités, ses richesses, sa splendeur. Les langues partagent. Mais elles luttent aussi.
Reste à savoir laquelle serait la plus parlée, laquelle dominerait toutes les autres jusqu’à les irradier. Désirions-nous, humains, parvenir à une unicité de langage, de culture et de pensée? La mondialisation de la culture s’évite par la connaissance et la compréhension.
En Joula, langue des burkinabés, la salutation matinale traditionnelle signifie «Que la paix soit avec toi pour cette journée». Si on prenait conscience de la signification de nos paroles, peut-être pourrions-nous enfin nous adresser un «Bonjour!» signifiant.