Créé à la Faculté de musique de l’Université Laval en 2009, l’Ensemble Lunatik se dédie à la musique contemporaine. Le 17 novembre dernier à l’Espace Hypérion, il nous présentait une soirée bâtie autour du Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg afin de commémorer le centenaire de la création de l’oeuvre.
Justine Pomerleau-Turcotte
En guise de préambule, le public était convié 30 minutes avant le concert à une causerie dirigée par Dominic Spence, musicologue. Une décision judicieuse; en effet, l’appréciation de cette oeuvre nécessite un minimum de préparation afin d’aller au-delà du choc de la première écoute. Tout d’abord, elle est atonale, ce qui signifie que l’oreille ne peut s’accrocher aux repères qui ont guidé la musique jusqu’à cette époque et qui balisent encore la majorité de la musique produite aujourd’hui. On peut parfois avoir l’impression que la mélodie est absente. De plus, un traitement particulier est réservé à la voix : les poèmes d’Albert Giraud (traduits en allemand par Otto Erich Hartleben) sont déclamés avec la technique du Spechgesang (littéralement «parlé-chanté»). Par conséquent, les notes sont attaquées avec des inflexions se rapprochant de la parole, avec des vagues, des glissades, qui ajoutent expression et tension aux oeuvres abordées comme des contes, de façon très théâtrale.
Pierrot Lunaire est un mélodrame en trois parties, chacune comportant sept poèmes, supportés par un ensemble musical à géométrie variable dirigé par Patrick Giguère et composé de Grégory Ellefsen (violon et alto), Marie-Loup Cottinet (violoncelle), Marie-Ève Paquin (flûte traversière et piccolo), Samuel Desgagné Rousseau (clarinette et clarinette basse) et Fabienne Gosselin (piano). Elizabeth Veilleux, mezzo-soprano, assurait avec aplomb la partie vocale.
Des sept premiers poèmes émane une tristesse douloureuse et angoissée. Le second groupe est teinté de crise psychologique. Quant au troisième, il est plus descriptif. L’ensemble est sombre et semble par moments être une bande sonore de la folie.
Malgré tout le talent des musiciens et de la chanteuse-récitante, il était toutefois assez difficile d’apprécier les changements d’atmosphère auxquels on aurait pu s’attendre entre les sections; la distance de la scène empêchait de bien voir les changements d’expression.On aurait pu sentir une plus grande gamme de teintes de la folie et de l’angoisse qui sont parties intégrantes de l’oeuvre. Toutefois, l’Ensemble Lunatik, en s’attaquant à cette oeuvre colossale, a prouvé son savoir-faire, sa solidité et sa capacité à livrer des interprétations justes à la hauteur du compositeur mis en valeur lors de cette soirée. Un beau moment de musique contemporaine, dans une ville où ils se font plutôt rares.
Pierrot Lunaire était précédé de trois créations récentes de compositeurs de la relève: Filet des airs, de Pierre-Olivier Roy; De deux choses Lune, commandé à François Millette spécialement pour cette soirée et The Answer is on the other side of it, dédiée à Neil Armstrong et également composée pour l’occasion par Dany Labarre.