La troisième production de la jeune chorégraphe Virginie Brunelle, Complexe des genres, nous plonge dans la quête incessante du contact humain.
Ariane Tapp
Blind date, petites vites, baisers manqués, violence conjugale, Complexe des genres aborde tous ces aspects de la relation de couple, et bien plus. Solos, duos, trios, sextuors, les danseurs s’expriment chacun à leur tour, chacun à leur façon.
Tout commence par ces hybrides, ces hermaphrodites, ces corps désarticulés, trois dos de femmes dénudés cousus à des jambes d’hommes par le biais d’un tutu. L’image est saisissante. En une rotation, les hommes nous dévoilent les ficelles derrière le tour de magie. Puis un effet miroir burlesque, femmes accrochées aux hommes, têtes en bas, potinant et riant entre elles, se faisant la bise, alors que les hommes, fièrement debout, se serrent la main et articulent joyeusement des sonorités allemandes, comme si de rien n’était. Le ton est donné. Les tableaux qui s’enchaînent illustrent la complexité des relations hommes-femmes et de l’identité sexuelle, avec humour, émotion, beauté et brutalité. Les duos Bouchard-Boissonneault/Hébert et Trosztmer/ Arcand, silencieux ou porté par les cordes sublimes de Max Richter, sont à faire frissonner, à nouer la gorge, à couper le souffle. L’asynchronisme de plusieurs mouvements, quoique léger, est trop présent pour qu’il ne soit pas voulu et contribue à un effet brouillon, laisser-aller, plus près des pulsions. Avant l’ovation finale, le spectateur peut mettre la main à la danse en lançant l’avion de papier qu’il a trouvé sur son siège à son arrivée. C’est sous une pluie d’avions blancs, aussi fragiles et déterminés que les corps, que le spectacle s’achève. Au centre de la scène, dans leur bulle, un homme et une femme, sans vraiment se toucher, sans vraiment danser, valsent. Seul, on ne peut que se débattre. En couple, on se débat de plus belle. Mais l’on n’est pas seul.