C’est à titre de sérieux prétendant à l’Oscar de meilleur film en langue étrangère que Mustang fait son entrée dans la programmation du Clap. Ironie du sort, ce conte initiatique qui relate la lutte de cinq jeunes femmes contre un patriarcat turc enraciné dans le traditionalisme religieux s’avère quasiment le seul film réalisé par une femme à faire partie des appelés du prestigieux gala californien.
L’intrigue prend place sur les rivages brûlants de la mer Noire. Pour s’être baignées en compagnie de garçons de leur âge et avoir suscité l’ire du voisinage, nos héroïnes sont condamnées par leur grand-mère à une réclusion à perpétuité dans leur propre maison, avec le mariage arrangé comme seule possibilité de libération conditionnelle.
À l’instar de tout donjon digne de ce nom, le leur est hanté par un ogre, un oncle pourri jusqu’à la moëlle qui s’applique à étouffer la flamme contestataire de ses fougueuses nièces. Certaines se laissent faire, d’autres ripostent à la hauteur de leurs moyens. Le film se penche tout particulièrement sur le sort de la benjamine, l’animal indomptable auquel le titre fait écho, qui caresse le rêve de fuir à Istanbul.
Une ode à l’insolence, c’est ce que signe la cinéaste franco-turque Deniz Gamze Ergüven, qui élève avec cette œuvre la combativité féroce de ses protagonistes au rang de vertu. La mise en scène à hauteur de jeune fille rend les moments d’émancipation particulièrement grisants. En opposition à un phénomène de sursexualisation du corps féminin qui mène à son bannissement de l’espace public de certains pays, la cinéaste en fait une représentation désinvolte qui tient de l’acte politique. L’insolence se manifeste aussi dans l’interprétation lumineuse, hargneuse et sincère des jeunes comédiennes, qui en sont pour la plupart à leur première incursion au cinéma.
Afin de bien illustrer une dualité des points de vue sur la place de la femme dans la société, Ergüven construit son récit comme un échiquier où les pièces sont condamnées à évoluer dans un camp ou dans l’autre: les victimes et les bourreaux. Cette représentation archétypale des personnages procure à l’ensemble un aspect pamphlétaire marqué, à l’opposé par exemple du portrait nuancé de la vie quotidienne sous le joug de l’État Islamique que traçait Timbuktu l’an dernier.
Il est toutefois difficile de fustiger Mustang sur la seule base de son manque de zones de gris. Par la superbe de ses images, son apologie de la persévérance dans l’indiscipline et son refus violent de toute forme d’abnégation, ce film génère l’enthousiasme pour un combat à finir contre un patriarcat particulièrement étouffant. Ne soyez pas surpris si vous apercevez sa réalisatrice avec un Oscar en main le 28 février!
3,5/5
En salle depuis le 29 janvier