Roman de l’enfance aux yeux ouverts sur le monde et des questions sans réponse, Conversations avec un enfant curieux de Michel Tremblay nous propose un énième retour dans la jeunesse colorée de l’auteur. Une œuvre attendrissante, mais qui sert du réchauffé.
On entre dans ce livre comme en territoire connu et on en parcourt les pages avec l’impression de retrouver de vieux amis. C’est que Tremblay reste ici fidèle à lui-même, usant de la langue et de la répartie qu’on lui connaît bien afin de raconter certains de ses questionnements d’enfant.
Présenté comme un recueil de très courtes nouvelles (parfois moins de cinq lignes) et entièrement constitué de dialogues, Conversations avec un enfant curieux recense les innombrables questions du jeune Michel tout autant que les exaspérations de ceux qui se voient forcés d’y répondre. Rien n’échappe au garçon qui n’hésitera pas à confronter aussi bien la religion et la langue française que l’étrangeté du nom de sa maîtresse d’école, ne lâchant le morceau qu’une fois sa curiosité assouvie.
Si le procédé de l’enchaînement de questions peut sembler redondant, l’auteur réussit cependant à garder notre attention tout au long des pages grâce à des réflexions profondes et touchantes, notamment sur la pauvreté, les rôles sexuels et, évidemment, sur la littérature.
« ̶ Tu vas voir, tu vas grandir, tu vas te trouver un métier, peut-être même une profession, tu vas te marier, tu vas avoir des enfants, tu vas peut-être être ben heureux, pis tu vas oublier tout ça.
̶ Penses-tu ce que tu viens de dire ?
̶ Oui. Non. Peut-être…
̶ En attendant … j’vas continuer à faire ce que je fais le plus longtemps possible … Pis peut-être que j’vas finir par passer à mes propres histoires … »
L’œuvre a aussi certains points faibles, notamment quelques phrases du jeune Michel qui donnent l’impression d’entendre le Michel adulte tant la lucidité du propos est éclatante. Sans oublier les fins de chapitre qui, si elles se veulent drôles, tombent souvent à plat et ne parviennent qu’à nous faire esquisser un mince sourire.
On regrettera également le fait que Tremblay joue encore la carte de la sécurité en réutilisant les thèmes qu’on lui connaît bien et on déplorera le manque d’audace du propos qui nous fait s’ennuyer des œuvres plus fortes et moins bon enfant qu’étaient La nuit des princes charmants ou La duchesse et le roturier.
Cependant, l’œuvre plaira aux amateurs de Tremblay qui y reconnaîtront les lieux et les personnages marquants de l’imaginaire de l’auteur et qui liront avec plaisir ces courtes histoires qui se glissent habilement entre les interstices des grands jalons de la saga du Plateau.
Roman pour les lecteurs déjà conquis, Conversations avec un enfant curieux se lit au rythme effréné des questions du jeune Michel et on en tourne les pages en quête de réponses qui ne viennent, malheureusement, pas toujours.