On reconnaît les éditions de Ta Mère par leur désir d’innovation dans le domaine littéraire. Avec Royal de Jean-Philippe Baril Guérard, on explore encore une fois de nouveaux horizons. Ce roman cruellement actuel invite à voyager à travers les dessous de la culture de l’excellence à tout prix dans l’univers parfois sans pitié de l’étude du droit.
Ça commence dès les premiers instants du parcours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal d’un personnage dont on ne connaîtra jamais l’identité. C’est d’ailleurs très secondaire dans ce roman. Tous sont plus ou moins réduits au statut d’ennemi ou d’allier. Ils sont abordés en fonction de l’aide qu’ils peuvent apporter au protagoniste dans son ascension vers le sommet. Ce « tu » auquel s’adresse le narrateur est fils de médecin, habite Outremont et est beau et bon à l’école. Bref, il a tout pour lui et il n’a aucune raison d’échouer. Il fait partie de l’élite.
Vient ensuite une première embûche qui le fait vaciller. Les certitudes bousculées, le récit fait place à la détresse du personnage pour qui l’erreur est inacceptable. La pression à laquelle il se soumet lui-même risque de le faire courir à sa perte.
Distance
On aimerait se retrouver dans ce roman, s’y attacher. Le réalisme cru et le détachement du personnage face à sa situation viennent briser cette relation. La froideur avec laquelle la narration présente l’intrigue a le malheureux effet d’empêcher tout attachement aux personnages. Comme le protagoniste qui choisit la superficialité comme mode de survie, Royal y tombe trop souvent.
Plusieurs questions à saveur existentielle sont soulevées et cette avenue aurait pu propulser l’œuvre, lui fournir une matière à élaborer. Ces interrogations retombent toutefois sans un développement adéquat. Le cynisme comme solution au cynisme permet rarement de grandes choses.
Parler pour parler
La question qu’on se pose à répétition au courant de la lecture: mais encore? Les premières pages accrochent, certes. La narration est résolument ancrée dans le présent. Le Québec qu’on entend ces dernières années est celui qu’on lit dans l’œuvre. Même le franglais est de mise. C’est probablement la plus grande réussite du roman. La précision du langage est remarquable, l’auteur semble au diapason avec son époque.
Royal est mordant, direct et sans concession. Mais encore. C’est justement le problème du roman : on en veut plus. Il laisse l’impression de n’être qu’un prétexte pour s’exprimer. Le contenu semble être relégué à un rôle secondaire afin de satisfaire un exercice de style. On dénote trop peu d’originalité, l’histoire semble avoir été racontée trop souvent. Réutiliser la formule «… pas le temps de niaiser », c’est rarement gagnant.
On reconnaît donc la plume très intéressante de Jean-Philippe Baril Guérard et son talent certain qui gagnerait à être peaufiné. Il ne manque qu’un récit où le lecteur serait réellement investi et des questions qui ne tombent pas à plat, auxquelles on apporte des réponses.
2,5/5
Royal
Jean-Philippe Baril Guérard
Les éditions de Ta mère
287 p.
Publié le 25 octobre 2016