Il est de ces livres que l’on regrette d’avoir commencé. Non pas qu’ils soient mauvais. Au contraire, ils sont tellement bons qu’on se demande pourquoi ils ne sont pas infinis. Le syndrome de takotsubo fait clairement partie de cette catégorie.
Je ne suis pas adepte des recueils de nouvelles. J’ai peur de me perdre dans la multitude d’histoires. Le syndrome de takotsubo est composé de 17 nouvelles. C’est assez pour me faire perdre la tête. J’ai été agréablement surprise de voir à quel point j’en redemandais encore et encore. Certaines nouvelles étant liées, tout en conservant leur indépendance, je me suis étonnée à sourire quand je reconnaissais certains personnages.
Les courts poèmes que l’on retrouve avant chaque nouvelle annoncent le ton, tournant systématiquement autour de la thématique du coeur.
« Ne brise pas »
« Combien de coeurs
faut-il emboîter
avant de se sentir entier? »
Comme ces mini-poèmes, la diversité des points de vue rend chaque nouvelle unique. J’ai particulièrement aimé le travail effectué sur Du GMS et des sulfites plein la peau, une nouvelle écrite à la deuxième personne. On a l’impression d’être un observateur indiscret, mais, en même temps, il existe une certaine distance entre le personnage et nous. Une distance que l’on a envie de briser pour aller à la rencontre de l’autre et lui dire qu’on est là.
Maîtrise du rythme
Si je devais retenir une chose qui m’a enchainée au recueil, mis à part les textes qui y sont incroyablement bons, ce serait sans nul doute la parfaite maîtrise du rythme. Notre coeur se synchronise aux textes. Comme pour obéir aux battements d’une batterie invisible, il accélère ou ralentit pour pouvoir suivre le texte. Ce rythme imposé donne une certaine musicalité à l’écriture de l’auteure. Ballotant entre la sensibilité et la légèreté qui se dégage des textes, nous nous laissons voguer sur cette mer tantôt houleuse tantôt calme. Ce calme qui présage l’arrivée de la tempête.
J’ai beaucoup aimé Quelque part entre la terre de Baffin et la Terre de Feu. Dès les premières phrases, on compatit avec la situation du personnage. Ce texte m’a vraiment plu car, à la toute fin, on se rend compte qu’il s’agit d’un éternel recommencement. En même temps, c’était frustrant. Je voulais savoir l’histoire qui se cache derrière le nouveau personnage introduit. Je n’ai plus que mon imagination pour m’aider.
Derrière ces nouvelles, plus ou moins longues, se cache une artiste de la langue. Mireille Gagné démontre une grande maîtrise des mots et a su transmettre beaucoup d’émotions.
Extraits choisis
« Tu n’as jamais été chanceuse dans la vie, encore moins en amour. Toujours rencontré les mauvaises personnes, au mauvais moment, celles dont les morceaux du casse-tête n’entrent pas dans les bons trous, celles qui vivent perpétuellement dans un autre fuseau horaire, celles qui n’ont pas de garantie prolongée à te vendre. »
« Les pots sont encore rangés dans ma chambre froide. Quand j’ouvre la porte, ça me rassure de penser qu’il y a peut-être encore un plomb caché dans la viande, une trace que mon père aurait laissé sur Terre. »
« Je n’avais plus peur. Mourir une deuxième fois ne devait pas être aussi douloureux. »
4,5/5