Les sorties musicales d’intérêt se sont avérées nombreuses au cours des derniers mois, mais le temps, ce salaud si rare, aura bien fait son travail de sape en nous empêchant d’en apprécier toute la richesse. Impact Campus, éternellement en quête de rédemption, vous offre donc ce petit récapitulatif de parutions locales récentes dans le but d’évacuer tout moment de silence de votre belle saison.
Elusive par Floes | ***1/2 |
10 avril 2018 | Boite Béluga | bandcamp | goo.gl/JKaBkN
Lancement au Maelstrom le 3 mai | goo.gl/c4qpAH
Pour ce dernier EP, on reconnaît bien les harmonies d’ambiances et les tonalités électroniques raffinées du groupe. On sent qu’ils ont à coeur la qualité de leur musique, les rythmes sont moins vaporeux que leur première proposition. La voix de Samuel Wagner (Harfang) nous berce toujours aussi bien, elle est accompagnée sur quelques pièces de choeurs féminins qui accentue ce côté lyrique. La première pièce Elusive contient des arrangements électroniques plus rythmés, presque commerciaux, ce qui traduirait peut-être une volonté de s’exporter à l’international (via des playlists Spotify, comme Men I Trust a su le faire?). En somme, c’est une belle proposition qui a évolué par rapport à la première, en douceur et en finesse. – Alice Beaubien
La peur des animaux par Fria Moeras | *** |
9 avril 2018 | bandcamp | goo.gl/CUyZ98
L’auteure-compositrice-interprète originaire de Québec avait joué au Show de la Rentrée en janvier dernier. Elle nous propose enfin son premier EP. Les guitares et la basse donnent vraiment le ton de l’album, mais peut-être un peu trop. Parfois, on perd un peu la voix de Fria ou encore les arrangements des cordes et cuivres passent inaperçus. Belle plume pour cette jeune auteure, des textes comme Van Gogh, on en veut plus. Ce premier EP est un bel exemple de musique émergente locale, mais il faudrait justement un peu plus d’audace notamment avec des textes un peu plus long. Le potentiel est là, regardez la pochette d’album qui exprime bien ce charisme.
– Alice Beaubien
Dave Chose par Dave Chose | *** |
27 avril 2018 | bandcamp | goo.gl/oPjoAH
« Ça va être malade, ça va être débile fou raide », meilleur que l’Orangina, mais peut-être moins qu’un bon vin. Plus dépanneur que SAQ, le premier album de Dave Chose (auparavant de la formation Faudrait faire la vaisselle) vous fera vivre plusieurs bons moments, avec des grandes envolées dans les refrains et des couplets habilement construits et rendus. L’album éponyme produit sous l’étiquette Bonsound transpire Alma (Lac-Saint-Jean) et témoigne de la tension qui habite les exilés de région maintenant en ville. Flirtant habilement avec l’absurdité sur fond d’intelligence dans les paroles, la production musicale est grassement lichée : distorsion, reverb et orgue d’église. Bien qu’un peu inégal, l’écoute est rafraichissante et en vaut le détour. – Raphaël Lapierre
Daniel par Jesuslesfilles | ***1/2 |
4 mai 2018 | bandcamp | goo.gl/8asbjC
Le 3e album de la formation rock montréalaise Jesuslesfilles, le gentiment titré Daniel, offre une exploration stylistique réussie. Sans être tombés bien loin de ce qui faisait du groupe l’un des plus intéressants au Québec, la quintette s’est assagie et ose une saine exploration en dehors des oeillères du rock garage. Plus doux que le noise-pop habituel du groupe, on voit un clavier, les mélodies sont plus claires, le fuzz plus apprivoisé, les arrangements moins abrasifs. La voix de Yuki Berthiaume, nouvelle chanteuse de la formation, est aussi plus assumée, plus présente: on voit pour l’une des premières fois sur Parasol Jesuslesfilles briser la formule des mélodies de voix simultanées. Les harmonies doublées sont encore présentes sur la majorité des pièces, comme quoi rien ne sert de changer une formule gagnante.
Ce que l’on change c’est pour le mieux, bien que la tâche était d’ampleur après un silence de quatre ans suivant l’excellent Le grain d’or. Le défi est relevé, on ne s’ennuie que rarement de l’irrévérence fuzzée et on se laisse charmer assez facilement par la direction plus pop. La mi-tropicale Parasol est agréable d’une manière si pure, si intrinsèquement satisfaisante qu’on s’étoufferait avec une papaye à son rythme sans avoir quelque sentiment négatif. Les synthétiseurs y font une apparition remarquée, tout comme le solo de saxophone ornant l’anglicisée Motocycle. Une des meilleures, sinon la meilleure pièce rock de l’année, sans doute aussi sur le meilleur album rock de l’année à ce jour. – Simon Provencher
Jimi Hunt (réédition) par Jimmy Hunt | *** |
20 avril 2018 | bandcamp | goo.gl/54s2nk
Originellement paru en 2003, Jimmy Hunt et son équipe s’offrent une excursion dans le passée en faisant reparaître le poussiéreux et presqu’éponyme premier album de l’artiste. Sans réelles surprises et enregistré en fidélité plus que basse en comparaison à la production léchée de Maladie d’amour et Jimmy Hunt, l’album reste une écoute absolument agréable pour les fans du folk-rockeur montréalais. La pièce d’ouverture, Les bonbons, rappelle que Hunt a peu changé à sa formule, déjà gagnante dans un paysage musical bien différent. On peut aussi voir l’influence de l’artiste, qui était déjà des lieux à l’avant de ses prédécesseurs et des nombreux l’ayant copié, même presque quinze ans plus tard. Certains choix de productions sont un peu typés, faciles, mais la franchise des textes et la sensibilité de jeunesse de Hunt compense aisément.
On comprend qu’il n’y aura ni sortie en grande pompe, ni de tournée canadienne pour Jimi Hunt, mais l’album offre tout de même un accès privilégié à la genèse du projet devenu incontournable dans le monde de la musique québécois. On s’offre aussi un accès à de nouvelles, pour plusieurs, pièces de l’artiste. Nouvelles rafraîchissantes, surtout considérant l’écart stylistique qu’ont connues ses parutions récentes avec Chocolat par rapport aux succès solo de Jimmy. – Simon Provencher
Premier juin par Lydia Képinski | ** |
3 avril 2018 | bandcamp | goo.gl/jK4gNT
L’artiste montréalaise Lydia Képinski sortait le 3 avril dernier un attendu premier album. Armée d’un EP, encensé autant par le public que la critique, d’une victoire aux Francouvertes, et de l’étiquette “pop épique”, on s’attendrait à une proposition confiante, exubérante, mais le résultat est tout autre. Premier Juin est une écoute difficile, voire laborieuse. L’album vit dans un espace mitoyen trop souvent inconfortable entre l’expérimentation sonore et l’accessibilité au grand public.
On aurait souhaité que Képinski plonge à pieds joints dans l’exploration, les pièces comme 360 jours et Les routes indolores ayant des structures est des recherches prometteuses, quoique comme arrêtées par excès de prudence au moment où l’intérêt commençait à se concrétiser. Ou encore qu’elle ose jouer avec la pop décomplexée qu’elle tâte du bout des doigts sur Maïa ou Premier Juin. Cette dernière pièce tombe à plat, ses paroles déclarées plutôt que chantées réussissent à enlever tout plaisir à la groove intéressante. Les pièces plus calmes ressemblent souvent à un pastiche de la pop avant-garde récente, sans la profondeur qu’on aurait désirée. Belmont en est un excellent exemple, les changements stylistiques sont lents et souvent discutables, surtout la guitare ambiante très typée post-rock, qui ne pourrait être plus inintéressante. L’artiste réussit tout de même à se démarquer par ses excellents textes, qui ne rattrapent toutefois pas l’impressionnant nombre de choix musicaux douteux. Décevant, le projet ayant un potentiel incontestable, qui se concrétisera peut-être dans les prochaines sorties, qui, espérons-le, profiteront d’une meilleure réalisation. – Simon Provencher